Une journée pourrie, ou pas ? [PV Akamatsu]

Kyoku fut loin de se douter en se levant des évènements qui allaient composé sa journée. Le réveil fut annoncé pour sept heures, alors que le soleil peinait à passer le rempart de ses rideaux. Une nouvelle journée maussade, condamnée au mauvais temps et donc à la pluie. Et qui ignorait que la pluie précédait souvent l'orage ? La kunoichi effectua une moue ennuyée en y songeant, le regard perdu dans les cumulus gris d'un ciel bouché et de mauvais augure. Qu'elle pouvait détester l'orage, le tonnerre qui lui servait d'orchestre et tous ces shinobis qui possédaient l'affinité qui leur permettait de contrôler les éclairs. La jeune femme craignait l'orage comme un chat craignait l'eau, et ce matin fut déjà annonce d'une mauvaise journée.

La maison demeurait vide, son déplacement fut timide, ses pieds effleurant le plancher sans jamais s'y attarder. Sautillant presque entre chaque enjambée, Kyoku parcourut le palier du premier étage, descendit sur la pointe des pieds les escaliers qui la conduisirent tout droit au rez-de-chaussée. Un parchemin à la parure nacre l'attendait patiemment depuis la veille sur la table du salon dont elle fit coulisser la porte. Sans s'arrêter un instant, elle s'en saisit, décrit la maison encore endormie, prêta l'oreille aux ronflements de la vieille chaudière qui reposait dans une pièce à côte. Il en était ainsi chaque matin lors des absences de Doku, parti en mission spéciale sous la demande du supérieur. Oui, ce supérieur qui portait le titre de Kage d'Iwa et que la chuunin ne pouvait considérer que de loin depuis son admission dans ses rangs. Quoi qu'il en ressortait, Kyoku suivait ce même rituel du respect du silence depuis ses plus jeunes années, comme ne se sentant pas méritante d'être une personne à part entière dans une maison… qui n'était pas véritablement pas la sienne. Elle enfila ses chaussures d'un geste, sautillant sur un pied afin d'atteindre la porte d'entrée, et une fois le défi relevé, la kunoichi ouvrit la porte en grand et quitta la demeure dont la porte fut fermée violemment par le vent.

"Pourquoi faut-il toujours que tu m'invoques pour de telles stupidités ?"

"J'ai besoin que l'on m'enseigne d'autres techniques de Taijutsu, Makai ! Et tu es le seul à pouvoir m'aider."

Le vieil animal émit un grognement de mécontentement. Pourquoi fallut-il que son précédent détenteur le confie à une adolescente dont seul Dieu connaissait la limite de la bêtise ? A chaque occasion qu'elle avait, Kyoku le sortait de son espace de sérénité afin de le transporter au milieu d'un paysage déprimant et dont la colère du ciel décoiffait le peu de crinière qui lui restait de ses jeunes années. Effectivement, le lion qu'il était n'était plus dans la fleur de sa jeunesse et cette gamine devrait apprendre à le laisser tranquille une fois de temps en temps, si elle ne souhaitait pas qu'un jour son savoir en Taijutsu se retourne contre elle.

Makai toisa la kunoichi dont la taille dépassait difficilement le mètre-cinquante. Son regard le suppliait littéralement de lui offrir son aide, mais l'ancien, ce matin-là, eut décidé de jouer les hypocrites et ressentit même l'envie de se servir des cornes qui régissaient le haut de son crâne pour lui arracher tous ses espoirs d'entraide en ce jour. Mais il n'était pas cruel à ce point.

"Bon…"

Les yeux de la jeune femme brillèrent d'enthousiasme lorsqu'il leva le postérieur du terrain de terre et de roche afin de marcher d'un pas tranquille en direction de la lisière des aires d'entrainement. Au milieu de son parcours, Makai s'arrêta et s'adressa à la kunoichi de sa voix raillée.

"Kyoku, viens jusqu'à moi au lieu de me regarder comme une effarouchée !"

Celle-ci obéit sans piper mot. Elle n'avait jamais constaté les dégâts de la colère de la nouvelle invocation que le lion des enfers représentait, mais en vue de ses années d'ancienneté et d'entrainement, elle ne désirait pas du tout les connaitre.

"Nous allons faire la course tout autour du village."

"Tu es sérieux ? Je cours deux fois plus vite que toi !"

Kyoku s'amusa d'un rire qui hérissa le poil sur l'échine de l'animal, qui d'un grognement menaçant en provenance du fond de sa gorge, fit toutefois instantanément taire l'amusement de la demoiselle.

"Tu es prête ? Partez !"

Il s'écoula ainsi quelques minutes avant que la kunoichi ne réalise que le vieux lion ne la talonnait pas. Quand la constatation fut enregistrée, Kyoku se situait à une ou deux minutes de marche seulement du centre du village d'Iwa. L'ancien s'était joué d'elle d'une facilité déconcertante, probablement à l'image de sa naïveté ? Elle souffla d'exaspération, ses rubans tressés poussés par le vent. La gorge du démon s'ouvrait en grand au-dessus du front du village, une fine éclaircie s'adonna à l'introspection de la jeune femme qui eut pris la décision de regagner le centre urbain. Un cri de colère la déchirait intérieurement, un cri dont la férocité pourrait effrayer le lion qui devait probablement se reposer à l'abri d'un rocher imposant, comme les nombreux qui jonchèrent son chemin. La rage, en réalité, qui la contrôlait fut telle qu'elle ne prêta pas même attention aux personnes dont la route croisa la sienne. Elle fut telle, que lorsqu'un bâtiment joua le rôle d'obstacle devant elle, Kyoku n'hésita à lui assener un violent coup de poing, à la surprise de passants qui la dévisageaient.

Ce geste, elle le regretta aussitôt, et sous les yeux de plus en plus méprisables de ceux qui la toisaient, la kunoichi émit un cri de douleur, son poing défait par la pierre qu'elle venait de heurter. L'adolescente jeta un rapide coup d'œil autour d'elle, sa mâchoire se serra, son regard devint plus froid que jamais.

"Qu'est-ce que vous avez à me regarder ainsi ?!"

Dans la foule, il y eut ce garçon. Un garçon qui pourrait visiblement avoir son âge et qui s'avançait vers elle d'un pas assuré et décidé. Kyoku le dévisagea durant toute son ascension, particulièrement intriguée par cet être qui ne paraissait pas être réel, et elle s'y connaissait dans le domaine de l'illusion ! Probablement ce jeune homme s'avérait être un clone ? Tout penchait vers cette supposition en tout cas. Aurait-elle donc affaire à un autre shinobi ? Le shinobi lui présenta, à sa plus grande surprise, sa main. La kunoichi le sonda longuement durant son discours.

"Bonjour, je m’appelle Akamatsu Muramasa, je suis un genin d'Iwa. Je suis seulement un clone, mais le vrai moi voudrait te rencontrer. Je suis navré mais le vrai moi ne pouvait pas venir en personne, car il est en train de s'entraîner. Il se trouve au terrain d'entraînement mais ne t’inquiète pas, on te veut pas de mal. On voudrait aussi que tu viennes à notre rencontre s'il te plait, merci."

Momentanément, le clone disparut dans un nuage de fumée. Kyoku n'avait jamais été abordée d'une telle façon, en pleine rue, par un shinobi des mêmes rangs qu'elle et qu'elle n'avait pourtant jamais croisé auparavant. Personne autour d'elle n'aurait eu idée de venir à sa rencontre après qu'on l'ait vue en compagnie d'une farouche invocation qui ne lui obéissait pas du tout, et encore moins après qu'elle ait essayé de blesser un bâtiment de plusieurs mètres de haut. Qu'est-ce qui avait frappé ce garçon pour envoyer un clone à sa rencontre ? Elle n'avait qu'une façon d'obtenir une réponse à sa question : se rendre aux terrains d'entrainement d'Iwa et aller à la rencontre de ce genin pour le moins surprenant.

Sur le chemin, la jeune femme entendit quelque commérage de villageois. Apparemment, plus fous qu'elle vivaient dans ce village et l'un d'eux s'était évadé de sa prison en mousse pour venir ravager le centre-ville. "Heureusement qu'il a réparé ses dégâts !" entendit-elle maugréer l'une de ces vieilles femmes qui rentraient leur linge à l'intérieur de leur bâtisse à l'annonce de l'averse. La kunoichi leva les yeux au ciel. Gris. Menaçant. Kyoku réprima une moue effrayée et se pressa en direction des terrains d'entrainement. Là s'entrainait au sabre la copie conforme du clone qui était venu l'aborder. De l'endroit où elle se positionnait, l'adolescente ne percevait pas très bien si le jeune homme était seul ou non, seule la menace du prochain coup de tonnerre parvenait à attirer son attention.

La petite femme qu'elle était descendit progressivement les plateformes en roches qui lui avaient servi de perchoir afin de repérer au plus vite le sujet de son déplacement, avant de rejoindre ce dernier, tout en songeant que non loin le lion se reposait et n'attendait certainement pas son retour. Soupir long et rempli de rage qui se prononça et se dégagea de par ses lèvres, sa main endolorie se rétractant sur elle-même. Kyoku s'approcha un peu plus de l'individu, ses prunelles sombres décrivant avec minutie chacun des mouvements de sa lame.

"Tu dois être Akamatsu, je suppose. J'ai reçu le message de ton clone, il parait que tu veux me rencontrer ?"

Un sourire étira ses lèvres. Quand elle s'occupait l'esprit à coup de grandes réflexions et de mots, la kunoichi oubliait ce qui l'entourait, le paysage triste de cette matinée lourde et pourtant devant être supportée. La pluie s'abattrait bientôt sur leur beau pays.

"Je m'appelle Kyoku Yamaneko. Je suis moi-même chuunin de ce magnifique village !"

Ah qu'elle en était fière ! Et elle ne le cachait pas. Son teint rayonnant en temps de tempête le prouvait largement.

Quel regard il lui accordait ! Il était à la fois flatteur et affreusement frustrant. Ce jeune homme la sondait, l'appréciait, à la recherche d'une quelconque faille et Kyoku s'en trouva confuse. La kunoichi haussa le regard, contrôla le terrain qui avait été la malheureuse victime de puissants coups de sabre, avant de considérer le coupable de tant de dégats.

Était-ce un sourire qui s'esquissait sur ses lèvres ? Il paraissait bien plus amical ainsi en souriant que lorsqu'il tenait son arme pour fendre la roche avoisinante. C'est que ce genin en deviendrait presque charmant en regardant mieux.

"Enchanté de te rencontrer. Ça me fait plaisir de voir un autre shinobi dans ce village."
Le village était donc déserté de shinobis ? Il était vrai à présent que les demandes de missions se faisaient de plus en plus nombreuses et qu'il fallait que le Tsuchikage réponde au mieux à ces demandes. Peu de ninjas restaient longtemps inactifs depuis que les différents Endo Tensei avaient été relâchés dans la nature…

"Je t'avais remarqué lorsque tu courais auprès de cet animal. D’ailleurs, je vois pas ou il est."

Sans doute faisait-il allusion à Makai. Elle non plus n'avait idée de l'endroit où il se situait à cette heure. Probablement s'était-il endormi sur une parcelle de terre éloignée du bruit et du tumulte… cela ne l'étonnerait pas, loin de là. Kyoku se promettait de se venger à la moindre occasion qui se présenterait.

" Bref, je cherche justement quelqu'un pour devenir mon équipier. Et j'aimerais bien que tu le deviennes. Qu'est-ce que tu en penses ?"

Kyoku se tendit à l'entente de la proposition d'Akamatsu. Ainsi, ce curieux individu cherchait un équipier, ou plus précisément dans son cas une équipière ? Connaissait-il seulement son expérience, ses qualités et ses défauts au combat ? A croire que ce garçon aimait les risques ! Néanmoins, le genin semblait posséder un véritable don dans le domaine du Kenjutsu et du Taijutsu, et elle ne manquait pas de talent dans le domaine du Genjutsu. L'union de leurs deux qualités les rendrait véritablement imbattables ! Encore plus si Makai acceptait d'obéir à ses ordres et de combattre à leurs côtés : Taijutsu, Genjutsu et Ninjutsu seraient alors réunis. Mais fallait-il encore convaincre ce vieux lion aussi têtu qu'un âne…

Maintenant, la chuunin n'avait jamais eu d'équipier proprement dit. Certes, des équipiers qu'on lui attribuait quand les missions relevaient d'une difficulté trop élevée pour son niveau de combat, mais jamais elle n'avait été assignée à une véritable équipe, elle ignorait même ce que signifiait cette expression que l'on appelait "travail d'équipe". Kyoku avait davantage été habituée à l'"improvisation en combat".

La kunoichi ouvrit la bouche dans l'espoir de fournir une réponse à sa question, mais le grondement du tonnerre la retint dans son geste. Le tonnerre. L'orage. Et cette pluie qui se déversa sur le terrain détruit et parsemé de minuscules morceaux de roches et de pierres, dont la force s'accentua avec ferveur et virulence sur le sol ferme du pays des roches. Ses cheveux collaient à son front, comme la peur lui collait à la peau.

"C'est a… affreux, enfin ! Ce serait avec joie, mais il faut absolument que je rentre ! A… A bientôt, Akamatsu !"

Sans réfléchir plus sur la question, la jeune femme se fraya un chemin à travers le rideau de pluie et courut à grandes foulées à travers le terrain d'entrainement, bondissant par-delà les obstacles qui se dressaient sur son chemin. Rien, absolument rien ne rivalisait avec l'orage quand on s'appelait Kyoku Yamaneko.