Briser ce qui ne peut l'être [PV Karin]

Un combat écourté, un sentiment d’inachevé, un goût amer en bouche, voilà ce que ressentait à cet instant Sasuke et ça le faisait rager. Il était le genre d’homme à aller au fond des choses, à ne pas se laisser faire, à ne pas fuir, même s’il refusait de dire que c’était ce qu’il venait de faire. Pour le noiraud, il ne faisait que mettre son alliée en lieux sûrs et non éviter cet affrontement. Il était rare qu’il ne décide de partir ainsi d’une bataille, sans l’achever, sans atteindre son but. En fait, son esprit de combattant prenait toujours le dessus habituellement. Néanmoins, l’adolescent avait pu, comme il le désirait, tester son nouveau jutsu en situation réelle. L’effet était franchement incroyable. Mettre KO tout le monde qui se trouvait dans le rayon en minimisant leur chance de trouver un contre, de se protéger à temps, ça serait bien utile éventuellement, lorsqu’il pourrait s’adonner pleinement à sa vengeance. Seulement, pour le moment, il avait d’autres préoccupations, et ça le rendait un peu de mauvaise humeur. Karin était toujours inconsciente dans ses bras suite à sa puissante attaque de foudre. La pauvre n’avait pu agir à temps, comme il l’avait cru. Après tout, esquiver un tel jutsu demandait d’excellentes compétences martiales. Lui-même aurait probablement du mal à y arriver, donc c’était bien de sa faute s’il se retrouvait dans ce merdier. Parcourant rapidement la forêt, le déserteur recherchait un endroit correct pour le réveil de sa collègue, mais également pour mettre le plus de distance possible entre eux et les junins. Peut-être, s’ils étaient un peu dérangés, se lanceraient-ils à leur poursuite. Au moins, l’adolescente pourrait le prévenir si jamais c’était le cas. Puis, sa vitesse lui permis au moins de parcourir plusieurs centaines de mètres avant que la rouquine ne commence à remuer dans ses bras.

L’ex-Konohajin s’arrêta donc, la déposant au sol délicatement, dos contre un arbre. Dans très peu de temps, une joute verbale aurait lieu. Elle serait clairement contrariée de s’être prise une autre technique de la part de l’Uchiha, bien que celui-là n’était pas mortel. M’enfin, il pouvait parfaitement comprendre sa colère et son incompréhension face à son choix d’avoir utilisé le Arashi no Chidori Nagashi. L’héritier de l’éventail la laisserait alors parler, lui gueuler dessus sans rien dire. Ça ne servait à rien d’argumenter pendant qu’elle voyait rouge, tant qu’elle ne se serait pas calmée. C’était ça son plan de base, il aviserait à mesure. Pour le moment, Sasuke resta accroupit aux côtés de son équipière. Sa main droite alla se nicher sur son front, replaçant une longue mèche rouge. Ce petit geste fut instinctif. Il ne songeait pas du tout aux conséquences que cela pourrait avoir, au malaise que cela pourrait créer. Après tout, peut-être serait-elle suffisamment surprise pour ne rien dire, tout simplement. Bref, le jeune homme aurait cette réponse très bientôt. Pour sa part, il patientait juste, le visage neutre, encore agenouillé tout près, alors que sa main était toujours en contact avec la peau douce de la jeune femme. Comment se déroulerait la suite des évènements? Piquerait-elle une crise? Est-ce que le sujet de la précédente trahison reviendrait entre eux? Avait-il brisé le mince lien de confiance qu’ils avaient réussi à renouer, faisant un pas en arrière dans leur relation? Tant de questions qui trouveraient sans aucun doute leurs réponses dans quelques minutes. L’ébène souhaitait vraiment éviter le plus possible les petites scènes de drame dont il n’avait absolument rien à faire. L’Uchiha avait franchement autre chose à faire que de se prendre la tête pour une attaque non mortelle. Mais bon, il ne comprenait rien aux femmes. La preuve, il n’avait rien vu venir lors de sa précédente rencontre avec Nëssa. Elle lui avait ouvert les yeux sur certains faits de son passé. Allant de révélation en révélation, il en était sorti grandi. L’adolescent qu’il était ne tarderait pas à devenir un adulte. Cela ferait peut-être en sorte qu’il soit plus sociable, qu’il déchiffrerait mieux la gente féminine. Enfin, il ne fallait pas rêver non plus, les relations, les amis, c’était encore secondaire dans son esprit…

Alors que le survivant du massacre de son clan songeait à tout cela, futiles pensées, l’Uzumaki remua d’avantage, le ramenant dans cette réalité. À ce rythme, elle ne tarderait pas à ouvrir les yeux. Ses orbes noirs dignes d’abysses sans fond fixaient donc ce visage endormi, puis au moment crucial, sa voix grave fendit l’air. Sans vraiment y penser, il parla à voix basse, comme s’il ne voulait pas la brutaliser avec un ton rude, puissant et autoritaire. C'était rare de le voir ainsi.

-Ça va? Lui demanda-t-il, sans qu’aucune pointe d’inquiétude ne transparaisse dans sa voix.

Sasuke savait très bien qu’elle se remettrait rapidement du choc, alors il n’était pas inquiet. Bientôt, il aurait affaire avec une tornade rousse… Ça ne serait pas de tout repos, loin de là. Toutefois, tout était possible. Peut-être faisait-il fausse route totalement sur son compte. Qui sait?

Tout s’était déroulé beaucoup trop rapidement pour la demoiselle. Elle avait à peine eut le temps de réagir, en fait, c’était tout juste dire. Son regard était toujours rivé sur Raimei, alors que celui-ci prévoyait une riposte assez précise sur sa position. La demoiselle avait vu les yeux de l’homme remonter la trajectoire de ses armes pour se rendre jusqu’à elle. Il était ingénieux. Cependant, il n’avait pas prévu la suite des choses qu’elle prévoyait pour lui. Néanmoins, l’adolescente n’eut pas le temps de réagir, car elle pressentit un mouvement en provenance de Sasuke. Indéniablement, les pupilles carnassiers de l’adolescente se posèrent sur le noiraud. Qu’allait donc il faire ? Des paroles s’extirpèrent des lèvres de son équipier. Évitez ? Mais quoi ? De quoi parlait-il ? Sans réfléchir davantage, au moment où il levait la main, la demoiselle effectua un bond vers l’arrière sur l’arbre, mais ce ne fut pas suffisant et la rouquine se prit l’attaque de plein fouet. Le choc fut violent, la propulsant au sol alors que les arbres étaient déracinés sous l’impulsion. Inanimée, son corps fut projeté quelques mètres plus loin, soulevant un nuage de poussière sur son passage, puis il s’arrêta, immobile. Ses lunettes n’étaient pas restées sur son nez et étaient tombées un peu plus loin au sol. L’Uzumaki était sans connaissance, la technique l’avait frappée de plein fouet avant même qu’elle n’ait pu comprendre ce qui arrivait. Mais comment éviter une technique qu’on ne connait pas ? C’était bien à se demander. Dans le moment, néanmoins, Karin n’était pas en mesure de réagir à cet évènement, ce ne serait que plus tard, lorsqu’elle reprendrait connaissance. D’ici là, elle ne pouvait compter que sur la bienveillance de son équipier.

Le temps passa, long, avant que la jeune fille ne daigne donner signe de reprise de conscience. Cependant, même au début, son esprit était trop embrouillé pour qu’elle comprenne l’environnement qui l’entourait. Ses sens reprenaient lentement leur travail, tant dis que son cerveau assimilait doucement les informations des derniers instants avant le choc. Un éclair jaune lui flashait encore les yeux, résidus des dernières images qu’elle avait en tête et la voix de l’Uchiha résonnait toujours à ses oreilles. L’avait-il abandonnée pour morte, encore une fois ? Elle se disait que si oui, elle ne lui pardonnerait sûrement pas. L’adolescente ne s’y faisait pas, tout du moins, pas tout de suite, au fait que maintenant, il puisse vouloir la protéger, comme avant. Ça lui semblait trop étrange, trop éloigné du dernier Sasuke qu’elle avait connu avant son séjour à Konoha. Pourtant, avant peu de temps, elle craignait cette aura sombre que le jeune Uchiha émanait et cette noirceur dans laquelle il s’enfonçait, aujourd’hui, c’était bien tout le contraire, car cette obscurité la réconfortait. Elle la cherchait, à tout prix. C’était un besoin, une obsession voire. Elle ne pouvait s’en passer. C’était comme un baume à ses blessures, à ses cicatrices, une protection, même, contre la douleur. Et pourtant, sans savoir encore, cette attirance pour la vengeance, pour le mal, la liait au noiraud, encore une fois. Quelque chose germait en son fort intérieur, quelque chose de fort différent qu’auparavant. Pas un amour fugace, non, loin de là, plutôt un lien, noué quelque part entre leurs deux passés qui se rejoignaient. L’adolescente ne s’en rendait pas compte, non, car elle refoulait tout sentiment à l’égard de Sasuke, par protection. Son cœur s’était fermé, le jour de cette trahison et il mettrait du temps à s’ouvrir. Quiconque souhaitant y accéder devrait être patient et laborieux. Car sa confiance ne se donnerait plus aussi facilement, surtout pas à ce niveau. Elle était contente néanmoins que cette nouvelle alliance entre elle et le dernier survivant du clan maudit se fut vue fructueuse et voire même plus solide qu’avant. Quelque chose de prometteur entre les deux était en train de se construire, ce n’était plus qu’une question de temps. Qui sait où cela les mènerait ?

Alors que la nukenin de l’herbe reprenait d’elle-même, Karin sentit qu’on la posa délicatement contre un arbre. Qui donc avait fait cela ? Était-ce son équipier ? Qu’importe, elle le saurait bien assez tôt. L’esprit toujours brouillé, elle tentait tant bien que mal de se gifler intérieurement pour reprendre ses sens. Allons donc, elle ne pouvait rester bredouille plus longtemps. Parvenant à réactiver ses capacités sensorielles même si le reste de ses sens étaient handicapés, elle ressentit le chakra de Sasuke à ses côtés, accroupi près d’elle. C’était donc lui, il ne l’avait pas abandonnée. C’était un soulagement de le savoir. Intérieurement, cependant, elle pompait, prête à lui déverser un flot d’insultes lorsqu’elle se serait remise sur pied. Celui-là allait l’entendre, pour sûr ! Comment avait-il osé faire ça en plein du combat, il n’y avait pas urgence ! Elle n’allait pas se faire tuer quand même ! Karin aurait très bien pu se débrouiller contre le foutu clone de leur ennemi, elle n’était quand même si incompétente. Et si lui croyait ça, elle lui en montrerait de toutes les couleurs ! Une frustration certaine s’accumulait à l’intérieur de la demoiselle qui attendait patiemment d’être remise du choc pour déverser sa colère, cependant, quelque chose vint troubler cette effervescence, cette lave bouillante qu’elle menaçait de lui cracher au visage à tout instant. Un geste, simple, mais étonnamment attentionné, sur sa joue, lui fit perdre momentanément ses moyens. La main de l’Uchiha s’était glissée sur sa peau et y était restée. Pourquoi faisait-il ça ? Qu’est-ce qui lui prenait ? Oui, c’était bien la question. Le garçon devenait franchement difficile à suivre. Tantôt, l’affection le dégoutait et il ne voulait pas être touché, n’avait de l’attention envers personne, maintenant, il semblait prendre soin de la kunoichi et ne répugnait pas à la toucher. Car elle ne le sentait pas forcé dans son geste, non, il était voulu et bien conscient, il n’avait pas eu d’hésitation, ou tout du moins, elle n’en avait pas senti. Tout pour la troubler, pour sûr. Le noiraud l’étonnerait toujours, décidemment. Alors que celui-ci rompit le contact, l’Uzumaki ouvrit doucement les yeux. Sa vue mit un temps à s’accommoder à la luminosité, mais sa réaction fut immédiate. Elle se décala doucement en tournant la tête pour cacher se léger rougissement lui montant aux joues qu’elle tentait de réprimer. La raison pour laquelle elle avait rougi lui échappait, peut-être bien par malaise, car elle ne voyait pas autre chose, surtout qu’elle s’était jurée de ne plus rien ressentir à l’égard de son équipier. Un « ça va » lui étant destiné rompit le silence. Karin se retourna, s’étant un peu reprise, mais incapable de retrouver cette attitude colérique qu’elle avait quelques secondes plus tôt. Bon, tant pis, elle ferait avec.

« Je vais m’en remettre, ça va… Mais tu veux bien me dire à quoi tu as pensé… ? » demanda celle-ci d’un ton qu’elle aurait préféré davantage rageur.

Sa main se posa sur sa tête. C’était qu’une douleur aiguë lui lacérait le crâne. Elle s’était sans doute frapper la tête en atterrissant brutalement au sol dans sa chute. De fait, une vilaine bosse avait fait son apparition à l’arrière. Sinon, rien de plus comme blessure qu’elle puisse ressentir dans l’instant. L’adolescente lui en voulait quand même un peu. Cependant, quelque chose de plus important la dérangeait dans l’instant… Ses lunettes… Elle n’y voyait pas grand-chose sans ça, autrement.

« Mes lunettes… tu les as ? »

La situation était tout à fait inhabituelle. Sasuke se montrait doux, attentionné, enfin, beaucoup plus qu’à son habitude. Son attitude égoïste et distante ne transparaissait pas. Pourquoi était-il ainsi? Lui-même ne le savait pas. Agissements inconscients pour se faire pardonner plus facilement, pour éviter une joute verbale chiante dont il n’avait pas envie? Possible, mais peut-être que la raison était encore plus profonde que ça, et que le déserteur ne désirait simplement pas mettre le doigt dessus, vu le lot de questionnements que cela apporterait… Il ne désirait pas s’attacher à personne, bien que certains aient réussi à percer son cœur de pierre. Il savait que la vie pouvait s’arrêter à tout moment, qu’il pouvait encore perdre des êtres chers. Inévitablement, il souffrirait, encore. Le noiraud ne voulait plus de ça. Les liens le plongeaient dans la perplexité quant à ses projets, quant à ses plans. Il disait les mettre en avant, que c’était son unique préoccupation, mais était-ce réellement le cas? Il devait se reprendre, mais pourquoi était-ce si difficile que de retirer sa main du front et des doux cheveux de sa collègue? D’ailleurs, il la touchait toujours lorsqu’elle ouvrit les yeux. Cela fit l’effet d’un déclic, alors il bougea enfin, un peu mal à l’aise. Karin semblait ressentir la même chose, puisqu’elle détourna le regard quelques secondes. L’Uchiha lui demanda alors si elle allait bien, pour briser ce silence qui ne lui plaisait pas trop. Il savait bien que son jutsu ne lui aurait causé aucune blessure, mais peut-être en avait-elle subit à cause de la chute, du fait d’être repoussée. Vu ses connaissances médicales plus que limitées, le nukenin ne pouvait le savoir. Il patienta donc qu’elle daigne lui répondre avec, il l’espérait, pas cette hargne colérique qui la caractérisait. Finalement, se faire gueuler dessus ne l’enchantait pas outre mesure…

Lorsque la voix de la rouquine s’éleva, elle affirma qu’elle s’en remettrait et qu’elle allait bien, le tout, sans hausser la voix comme il l’aurait cru. Peut-être que la discussion serait plus facile que prévue. Ça ne déplairait pas du tout à Sasuke en tout cas, bien au contraire. Ils pourraient retourner à leur occupation, s’entrainer, commencer leur projet, bref, passer aux choses importantes, de son point de vue. Ça lui éviterait aussi de songer à son comportement étrange que lui-même ne comprenait pas, ou plutôt, tâchait d’ignorer superbement. Quand il affirmait que les liens le distrayaient de ses véritables objectifs, il n’avait pas tout à fait tort. Bref, alors que l’ébène croyait pouvoir juste enchainer tranquillement sur un autre sujet, l’Uzumaki le prit de vitesse en lui demandant à quoi il avait pensé pour agir ainsi… Oh merde. S’il ne faisait pas attention à ce qu’il dirait, ça pouvait partir n’importe comment et durer trop longtemps. Sérieusement, le jeune déserteur eut bien envie de lui répondre simplement qu’il avait fait ça pour la tirer d’affaire, mais il avait la nette impression que ça ne ferait qu’empirer la situation et qu’un retour en arrière serait fait. Pas de quoi l’enthousiasmer. Bref, fallait bien répondre quelque chose, alors autant se risquer à être honnête. De toute façon, le tact n’avait jamais été son fort, et depuis quand se souciait-il de ce qui pouvait bien sortir de sa bouche? Décidément, c’était une bien étrange journée… Qu’elle finisse au plus vite pour passer à autre chose.

-J’ai juste agi, affirma-t-il, simplement. C’était cette technique que j’avais envie de tester. Je viens de la développer y a pas longtemps.

Est-ce que cette explication serait suffisante pour elle? C’était difficile à déterminer. Mais bon, l’Uchiha faisait l’effort de dire quelque chose, alors qu’il aurait très bien pu sortir une réplique toute faite dans le style « je ne te dois pas d’explication », ce qui, somme toute, aurait été une très mauvaise idée, bien que ce soit son style. S’attirer l’hostilité des gens qu’il côtoyait était devenu une habitude pour lui. Après tout, n’était-ce pas ce qu’il recherchait? Cette solitude qu’il affectionnait autant qu’il redoutait… Douce contradiction présente en son cœur d’adolescent. Ce pauvre gamin ne savait plus comment réagir, comment vivre. Il tentait de se fier à son instinct, de demeurer inaccessible. En fait, depuis sa rencontre avec Nëssa tout était chamboulé pour lui. Le loup solitaire qu’il était devenu après avoir appris la vérité sur son aîné s’effaçait peu à peu envers certaine personne… Après tout, on pouvait être extrêmement puissant même en ressentant de l’amour, c’était bien ce que lui avait démontré Madara et la ténébreuse kunoichi. Était-il possible qu’il se laisse désormais attendrir? Ressentait-il quelque chose de nouveau envers son équipière? Après tout, elle partageait sa douleur, sa peine, son idéologie… Le survivant du massacre de son clan observait encore sa collègue, tout en se posant ce genre de questions. Non, c’était tout bonnement impossible! Seule la haine devait compter, seule la haine… Heureusement pour lui, Karin posa sa main sur sa tête, son visage exprimait bien qu’elle avait mal à cet endroit, ce qui attira son attention et ses pensées ailleurs. Alors elle c’était bien blessée autrement que par le jutsu. Pourquoi l’adolescente lui avait-elle menti dans ce cas? Bof, c’était son problème après tout, mais songer ainsi ne l’empêcha pas de poser sa petite interrogation.

-T’es sûre que ça va? Lui redemanda-t-il.

Néanmoins, plutôt que de répondre directement à cela, la rouquine lui demanda s’il avait ramassé ses lunettes. N’importe qui aurait pu croire que non, vu son caractère et sa manie de ne penser qu’à lui. Néanmoins, il savait ce que c’était que d’avoir une mauvaise vue. Ce sens qui était si important dans son style de combat, se rendre compte qu’il diminue à cause de ses propres pouvoirs… Que valait un Uchiha aveugle? Sûrement pas grand-chose. Il perdait sa grosse force, son atout majeur, ce qui faisait que son clan était craint à travers le monde. Combien, par le passé, avait pu voir ses rêves devenir dérisoires à cause de cette fatalité? En fait, Sasuke ne voulait pas le savoir. Toutefois, ses réflexions allèrent bien vers Itachi à cet instant. Lui qui avait autant utilisé son Mangekyo Sharingan, jusqu’à quel point sa vue avait été affectée? Avec le recul, l’adolescent se rendait bien compte que son frère aurait dû éviter certaines attaques… Était-ce sa maladie, ou sa vue qui en était la raison? Ça, il ne le saurait peut-être jamais, à moins de le trouver et c’était bien dans ses projets futurs. Se greffer les yeux d’Itachi, même s’ils partageaient une vision différente de la vie, avait été une nécessité qu’il ne regrettait pas. S’il ne l’avait pas fait, sa vengeance n’aurait pu être accomplie et ça, jamais il ne le permettrait. Bref, pour le moment, sa main droite alla fouiller à l’intérieur de son haut, ouvrant la fermeture éclair d’abord. Il en ressortit lesdites lunettes que sa coéquipière désirait ravoir. L’ébène les lui tendit donc sans rien ajouter. Lorsqu’elle les prit, le ténébreux se releva, puis son regard alla se perdre parmi les arbres et la nature environnante.

-J’aurai dû les tuer… murmura-t-il, inconsciemment.

Karin aurait sans aucun doute compris. Naturellement, il parlait des deux junins. Pour lui, c’était presqu’une marque de faiblesse que d’être parti ainsi, sans les avoir achevés. Ils feraient leur rapport à leur Kage et le mentionneraient… Son impulsivité lui avait encore joué un tour. Puis, se montrer plus cruel rejetait tout ce qui le rattachait à Konoha et leur politique de lâche, de pitié. Si avant, il laissait la vie sauve à cause de ses origines et des valeurs qu’il avait acquises là-bas, aujourd’hui était bien différent! Bordel que ça le faisait rager! D’ailleurs, son visage exprimait bien son mécontentement, et ses poings serrés aussi. Comment réagirait l’Uzumaki à tout ce que venait de dire l’Uchiha? Il laissait filer des parcelles que jamais avait il n’aurait osé faire. Le capterait-elle?

Ce caractère, cette attitude, il y avait trop longtemps que l’adolescente n’avait pas ressenti ça de la part de l’Uchiha. Il était… attentionné… Oui, c’était bien le mot. Qu’est-ce qui le poussait à agir ainsi ? C’était bien là une question que la rouquine se demandait. Elle n’osait pourtant lui faire part de son interrogation, cela aurait été trop étrange. Peut-être même l’aurait-il mal prit, sait-on. Alors elle se contenta de rester sous silence. Doucement, mais sûrement, son tempérament enflammé s’estompait pour quelque chose de plus calme, même si intérieurement, elle bouillonnait toujours. Il était difficile de faire taire un caractère comme le sien, surtout celui d’un Uzumaki, car c’était bien ce qu’elle était et, ça, nul ne saurait le lui enlever. Alors que ça mémoire se remettait en place sur les derniers évènements, la demoiselle se rappela du flash de lumière intense qu’avait provoqué la technique du noiraud. Une nouvelle acquisition hein ? C’était plutôt intéressant, bien qu’elle n’eut pas aimée faire parti des cobayes d’expérimentation. Cela dit, elle ne pouvait réellement lui en vouloir, puisqu’elle aussi désirait tester ses nouvelles techniques en pleine action, seulement n’avait-elle pas eu le temps. La course vers la puissance était quelque chose d’enivrant auquel la rouquine commençait à goûter et elle s’y était accrochée avec ivresse et passion. L’effet procuré avait ce petit quelque chose d’indescriptible. Une poussée d’adrénaline si forte qu’elle en devenait pratiquement source de vie. Karin n’avait que faire de rester en arrière maintenant, mais elle n’avait pas eu l’occasion de se montrer devant Sasuke et c’était à tout prix ce qu’elle cherchait à faire. Lui prouver qu’elle n’était plus la demoiselle sans défense qu’il fallait secourir. C’était trop peu pour elle à présent, la kunoichi avait changé. Reposant ses lunettes sur son nez, sa vue se clarifia. Heureusement que le garçon avait pensé à les prendre au passage, elle aurait été autrement bien irritée, car c’était un réel handicape pour elle que de ne pas voir où elle allait.

« Merci… » souffla-t-elle en passant une main derrière sa tête en effleurant son ecchymose. « Ouais… J’ai dû me frapper la tête en tombant, rien de grave… Qu’un bleu et une bosse, ça partira d’ici deux jours sans doute. »

Karin avait vite fait d’oublier la douleur après les paroles de l’adolescent. La blessure n’était au fond rien d’extraordinaire. Elle avait eu mal en s’éveillant, mais déjà, la sensation d’élancement se calmait peu à peu. Mais dans l’instant, ce n’était pas ce qui la préoccupait vraiment. La rouquine voyait son compagnon progresser très rapidement. En peu de temps, il parvenait à créer de nouvelle technique, alors qu’elle tardait en arrière. Le besoin de s’entrainer se fit donc bien présent en elle, l’Uzumaki devait elle aussi devenir plus forte si elle ne voulait pas se retrouvée inutile de nouveau. Cette simple idée la terrifiait à dire vrai. Elle ne pouvait pas se le permettre, de reculer alors que lui avançait un peu plus chaque jour et toujours plus vite. C’était insensé, il était temps qu’elle se mette les mains à la patte, plus question de chaumer. Prise dans ses pensées, la demoiselle ne remarqua pas tout de suite que l’Uchiha s’était exprimé et elle sembla revenir à elle d’un coup, comme si elle avait toujours suivi la conversation depuis le début.

« T’en fais pas, t’auras la chance de te reprendre. Ça leur donnera une raison de te craindre davantage et de ne pas t’approcher… »

Oui, la nukenin était à peu près certaine que le noiraud leur avait foutu la frousse. Deux ninjas confirmés venaient de se faire mettre KO d’un seul coup, il y avait de quoi avoir peur. Sasuke était une réelle menace, mais il ne semblait pas s’en rendre compte. Le fait de les avoir laissés en vie ne signifiait pas qu’il avait de la compassion, loin de là, c’était une chance en fait qu’il ne les ait simplement pas tués, mais cela agrémenterait la peur des gens de savoir qu’il rode toujours et qu’il est plus puissant qu’avant. C’était le message qu’il devait faire passer. En déployant cette terreur, il irait plus loin, beaucoup plus loin. Seulement devait-il le réaliser pour ça. Au bout d’un moment, l’adolescente se leva, après avoir repris définitivement ses esprits et s’être assuré que tout était en place dans sa tête pour ne pas être prise d’étourdissement. Finalement, elle se remettait mieux du choc qu’elle ne l’aurait cru. La rouquine avait pas plus d’endurance qu’on ne pouvait le croire. Son regard carnassier se posa sur l’Uchiha qui lui faisait toujours dos. Il y avait quelque chose d’étrange dans son comportement qu’elle ne saisissait pas complètement, mais elle le voyait bien. Cependant, entre l’apercevoir et le comprendre, c’était bien deux en ce moment. Le noiraud était difficile à suivre, oui, c’était bien la pensée qui lui remontait le plus souvent à son égard en ce moment. Tout ce changement, au final, elle ne s’y habituait pas. Était-ce la noirceur qui agissait ainsi sur lui ? Elle avait la certitude qu’en temps et lieu, elle le saurait, mais pour l’instant, elle préférait ne pas trop y penser. Comme c’était fort troublant tout cela… Après un court moment de silence, la kunoichi le brisa, elle détestait ce genre de chose entre les deux… c’était trop… étrange.

« Pas la peine d’y penser d’avantage, ils n’en valent pas le coup. Au plus, ils parleront à leur Kage et alors, ça ne change pas grand-chose. Ce n’est pas comme si tu n’étais pas recherché. Et ils n’ont qu’à craindre bien plus encore ta présence maintenant. Qu’ils s’estiment heureux d’être toujours vivants ! »

C’était bien tout ce qu’elle avait à dire sur ce sujet et elle ne comptait pas y revenir non plus, de toute manière c’était fait. Il ne fallait pas s’attarder sur des petits détails tels que quelques ninjas lambda des villages shinobis. Mais quel intérêt. Les mains sur les hanches, la rouquine observait les réactions du jeune homme. Oui, c’était bien le cas de le dire, Sasuke vieillissait et elle aussi. C’était étrange de ne plus voir le jeune garçon qu’elle avait aperçu lors de l’examen chuunin. Il avait mûrit, même depuis la dernière fois. Sasuke était certes toujours aussi impulsif et elle aussi au fond, sur ce point, tous deux se ressemblaient parfaitement.

Il semblait pour la rouquine qu’à l’instant, encore trop de choses lui étaient cachées. L’Uchiha lui faisait-il entièrement confiance ? C’était là une question qui méritait bien une réponse. Le garçon agissait très bizarrement depuis les derniers temps, quelque chose se métamorphosait en lui, quelque chose qui l’atteignait elle aussi sans qu’elle ne le veuille. Elle s’était promis il y avait un moment déjà de tout mettre cela de côté… et voilà que ça la rattrapait aujourd’hui pour lui remettre une claque en pleine gueule. Qu’est-ce qui lui arrivait ? Pourquoi maintenant, alors que la demoiselle s’était fermée à tout cela ? Alors qu’elle avait mis un trait sur tous ces enfantillages. L’attachement faisait mal, Karin y avait goûté amèrement et elle ne voulait plus y remettre les pieds. Pourquoi la vie s’acharnait-elle à ce que ce soit autrement ? Pourquoi la pousser à nouveau vers ce chemin sur lequel elle ne voulait plus lui mettre les pieds ? Peut-être que parce que pour une fois… quelqu’un l’attendait là… Indéniablement, les pensées de l’Uzumaki dérivèrent vers ce combat contre Danzo. La trahison était encore lourde dans son cœur. Elle ne l’avait pas oublié… pas encore pardonné. La nukenin s’était contenté de mettre cela de côté et d’oublier en espérant que ça ne referait plus jamais surface. Mais ce n’était pas aussi facile qu’on pouvait le prétendre, tristement. Le garçon lui faisait toujours dos, alors qu’un simple mot, un seul, franchit ses lèvres. Ce « merci » fut suffisant pour ébranler de toute part la pauvre Karin qui ne savait au fond plus du tout où donner de la tête. C’était la première fois qu’elle entendait ce mot sortir de sa bouche. Même avant qu’il ne plonge complètement dans la noirceur, il ne l’avait jamais dit. Bon sang, était-il malade ? Quel virus avait bien pu le changer ainsi ?

La rouquine ne sut quoi ajouter et prit la décision de ne simplement rien dire. C’était mieux comme ça et il n’y avait rien à ajouter. Elle ne pouvait que l’observer. Il lui avait dit merci, mais pour quoi exactement ? Quelque chose lui disait dans son chakra que ses paroles n’avaient pas eu entièrement effet. La demoiselle était persuadée que quelque chose n’allait pas, qu’il omettait de lui parler de certains détails. L’Uzumaki se souvint alors de leur précédente rencontre au temple des Uchiha où le jeune homme avait découvert des secrets dont il ne lui avait pas parlé. Était-ce ça qui le troublait à ce point ? Ou autre chose… Qu’en savait-elle… Rien. Puisqu’il ne parlait pas. Puisqu’il ne lui disait pas… Mais elle ne pouvait lui en vouloir, sur ça, il n’avait pas changé. La communication n’avait jamais été son fort… à elle non plus d’ailleurs. Elle savait bien gueuler, s’énerver ou s’époumoner, mais trouver les mots, ce n’était pas dans ses capacités. Elle aurait voulu lui dire davantage sur elle, mais tous deux, ça les rendait mal à l’aise. Aborder ce genre de sujet était particulier. Puis le sujet de Madara fut enfin mis à découvert. C’était donc ça toutes ses préoccupations.

« Parle pour toi, je suis encore loin de vous égaler » maugréa Karin à voix basse alors que ses yeux écarlates se détournèrent du regard noir de Sasuke.

C’était fort difficile pour l’adolescente d’être derrière eux. Elle tentait d’atteindre leur niveau, mais elle avait beaucoup trop à rattraper pour ça. Peu importe ce qu’elle faisait, elle avait l’impression de constamment trainer, car le noiraud progressait beaucoup plus rapidement qu’elle. Il était un géni… pas l’Uzumaki. Malgré toute l’intelligence fine dont elle pouvait faire preuve, l’apprentissage restait une certaine lacune chez elle. Néanmoins, elle eut tôt fait de redresser la tête lorsque le dernier survivant du clan de l’éventail s’approcha d’elle dangereusement près. La demoiselle figea, incertaine de cette attitude si nouvelle envers celle-ci. Son cœur battit plus fort et une perle de sueur coula sur son front, alors qu’elle observait l’adolescent lever le bras pour la toucher. Mais au dernier moment, il arrêta son geste et la jeune fille resta là, perplexe et particulièrement mal à l’aise.

« Enfin qu’est-ce qui te prend Sasuke ?!?! » s’énerva la rouquine qui ne savait pas comment réagir à tout cela.

La maladresse l’égarait et la rendait légèrement agressive. Elle ne savait pas comment faire pour jongler avec la situation et faire en sorte d’en ressortir sans trop de chamboulement interne. La nukenin de l’herbe se demandait d’ailleurs si cela était possible à présent, si tout ne finirait pas par changer une seconde fois. Vers où est-ce que ce comportement la mènerait ? L’Uzumaki ne le savait pas et c’est qui l’effrayait le plus. Elle s’était jurée de ne plus s’attacher à personne, mais voilà que maintenant tout se chamboulait. Pourquoi maintenant et… surtout… pourquoi lui ? Ses poings se serrèrent sous la pression. C’était impossible non, elle ne pouvait pas l’admettre. La mâchoire de la rousse se coinça légèrement. Ses membres étaient tendus, la proximité qui autrefois l’enchantait, la repoussait pratiquement aujourd’hui. Et la rouquine n’y pouvait pas grand-chose. C’était plus fort qu’elle. Ce genre de sentiment l’emmerdait grandement, puisqu’elle ne les contrôlait pas et ne les voulait pas. Plus maintenant. Mais bien vite, elle réalisait que c’était des choses auxquelles ne pouvait rien, c’était là, s’introduisait sinueusement sans demander la permission et nous prenait par derrière lorsqu’on s’y attendait le moins. Karin avait envi de gueuler, fort, pour sortir toute sa frustration, sa colère, sa déception, son incompréhension, tout ce dont elle ne voulait pas… mais elle en était incapable. Tout se coinçait dans sa gorge.

« Y… y a-t-il quelque chose… dont je devrais savoir et… que tu ne m’as pas dit ? »

La question était plutôt nébuleuse quant à son but où sur ce qu’elle désirait savoir, car en fait, la demoiselle ne savait pas trop, justement, ce qu’elle voulait savoir. Elle ne savait pas en fait si elle voulait qu’il réponde à sa question, raison pour laquelle elle était sortie si difficilement de sa bouche. Maintenant que c’était dit… elle ne pouvait que patienter et espérer que rien ne lui tomberait sur la tête… La pression lui semblait déjà suffisamment forte comme ça…