..:: Introduction ::..
[Analepse : Il y a environ 19 ans…]
Membre du clan Suzu : « L’information est confirmée. »
??????? : « Hm… » (Pause) « Donnez l’ordre de détruire le laboratoire T. »
Membre du clan Suzu : « Le détruire ? Shinji-sama c’est imp- »
Shinji ?????? : « Discuter ne changera rien ! », laissa-t-il éclater. « L’opération est un échec. L’attaque a pu se produire mais Konohagakure tient encore debout. » (Pause puis soupir et hocha la tête par deux fois) « Ils ont en plus capturé Kyuubi ce qui ne présage rien de bon pour la suite s’ils découvrent que- »
Membre du clan Suzu : « Ce sera fait, Shinji-sama. Je prends l’escouade et m’en charge personnellement. »
Shinji ?????? : « Ramenez l’artefact. »
Membre du clan Suzu : « Bien, Shinji-sama. »
La jeune femme, après une révérence mesurée, se retira, laissant son supérieur seul dans son bureau – bureau qui lui servait d’ailleurs de laboratoire. La pièce, dont les murs étaient tapissés d’un revêtement insonorisant arborant les plus célèbres formules et mantras créés par le clan Suzu, comportait un haut plafond. Ceci lui donnait un aspect d’antre et conférait au lieu une atmosphère très solennelle. Quelques minutes après le départ de sa subalterne, qui n’était autre que sa 3ème nièce, Shinji Suzu qui était resté debout face à la seule fenêtre tout au long de la conversation, se laissa choir dans son siège. Là, dans le silence le plus absolu, il laissa sa frustration éclater. Il serra dans sa main le parchemin qu’il avait écrit quelques minutes plus tôt : un texte fondateur, et révolutionnaire pensait-il, écrit à l’encre de suie et de colle animale. Le responsable du département scientifique du Village Caché des Nuages savait quelle était désormais sa situation. Même en détruisant les preuves, il était acculé. Il avait joué un jeu dangereux et les cartes qu’il détenait n’avaient plus aucune valeur. Le Raikage aurait rapidement vent de son implication et de toute celle du clan. Il avait mis en péril sa propre lignée et peu d’options s’offraient à lui.
Il se pencha sur son bureau et défroissa le document. Il l’étendit devant lui et le relu, comme pour mieux contempler l’échec – son échec. Le bruit qui vint du fond de la pièce, loin de le surprendre, était plutôt anticipé.
Shinji Suzu : « Entre. »
Toki Suzu : « Otousan... »
Shinji Suzu : « Tu as tout entendu, n’est-ce pas ? »
Toki Suzu : « Gomen... »
Shinji Suzu : « Tu n’as pas à t’en faire. C’est ce que font tous les clans : se mettre au service de leur village… Et ce même si cela signifie se sacrifier. »
Toki Suzu : « Je le sais. Ne te préoccupe pas de moi. Fais ce que tu as à faire. Je connais ma tâche. Je la remplirai. »
Shinji Suzu : « Dans ce cas prépare-toi mon fils. »
Le jeune Toki, qui n’avait alors que 12 ans, était déjà pressenti pour prendre la suite de son père. Il étudiait avec un prescripteur du clan, depuis son plus jeune âge, les principes du Ninjutsu, les sciences, et étendait son enseignement avec des cours privés dispensés par son propre père. Si le clan le permettait, il aurait déjà pu rejoindre les services secrets du village. Mais son destin devait être tout autre. Shinji en avait ainsi décidé.
Toki passa devant le bureau puis sortit par la même porte que son aînée précédemment. Sur le seuil, il se tourna vers son père qui avait déjà entamé la rédaction d’un nouveau texte. Leurs regards ne se croisèrent pas mais l’échange, intense, était d’un tout autre niveau…
[Temps présent…]
Toki Suzu. Ce nom n’évoquait plus rien à Kumo. Le clan Suzu n’était plus, perdu dans les méandres du temps, oublié par le peuple et par l’histoire. Toki n’avait d’ailleurs rien fait pour y remédier. Parti depuis si longtemps, isolé depuis toujours, et selon sa perception, il n’y avait plus d’attaches. Il revenait d’un long voyage, une odyssée de 19 ans, une épopée qui l’avait profondément transformé physiquement et mentalement. Il n’avait en effet plus rien du petit garçon que les villageois connaissaient de nom, car il était le fils du traitre. Ce jour-là, humant la brume, observant le relief accidenté de la région qui l’avait vu naitre et les nuages qui s’y accrochaient comme du coton, Toki, imaginant son futur, se remémorait son propre passé.
[Analepse : Il y plus de 30 ans…]
Shinji Suzu était un homme comblé par la vie. Sa femme, Tanari, lui avait donné son premier enfant : un garçon. A l’époque, et encore parfois aujourd’hui, un garçon pour premier enfant apportait fierté et bonheur, gage de prospérité de la famille. Shinji était lui-même le premier enfant de son père. Ses deux jeunes sœurs avaient déjà fondé deux familles nombreuses, deux nouvelles branches du clan 100% féminines – deux filles d’un côté et trois de l’autre, ce qui faisait de lui le dernier à avoir un enfant et le premier à engendrer un fils dans sa branche du clan.
Shinji tenait une position prépondérante dans la famille. En effet, il était le bras droit du chef du clan Suzu, son oncle, lui-même le conseiller scientifique spécial du Raikage de l’époque. La famille vivait donc de manière aisé, et le nouveau Toki ne manquerait de rien sur le plan matériel ni sur le plan émotionnel. Sa mère, chaleureuse et aimante, s’occupait de lui comme on chérie l’enfant prodigue. Son père, protecteur, veillait à ce que le meilleur lui soit donné.
Mais cette opulence et ce bonheur ambiant vinrent à décliner. Toutes les familles de Kumo avaient ressenti ce déclin avec la Grande Guerre qui apportait son lot de maux : les ressources matérielles et humaines furent mises à contribution de l’effort de guerre. L’attention de tous les dirigeants se portait sur le maintien du statut du Village des Nuages comme village important, faisant face au grandissant Konohagakure. Cette attention fut logiquement celle de l’entourage des dirigeants, donc celle de l’unité scientifique, spécialement créée par le Yondaime Raikage et tenue secrète. Pour tous, ce n’était qu’une unité spécialisée dans l’intendance, sans laquelle aucune campagne ne peut être menée. Mais en réalité, elle procédait à de multiples recherches et expériences dans des domaines aussi diverses que variés. Seuls les membres du clan Suzu pouvaient l’intégrer, ainsi en avait décidé son dirigeant, l’oncle de Shinji. Bientôt, le père de Toki se fit moins protecteur envers son fils et plus dédié à ses obligations, et ce malgré l’amour qu’il avait pour sa famille.
[Temps présent…]
Toki Suzu : **
C’est là que tout a commencé **, songea-t-il.
Le descendant du clan Suzu se rappelait que c’était à partir de cet instant que son père avait commencé à voir un futur différent. Shinji Suzu était un visionnaire et il savait que la position de Kumo ne pourrait être uniquement maintenue par la seule force inhumaine du Raikage, et encore moins par la seule succession du trône à des dirigeants puissants. Comme Sun Tzu, son père disait souvent que le succès et la gloire n’étaient accessibles sans la doctrine, le temps, l’espace, le commandement et la discipline. Aucun de ces éléments ne fait directement référence à la force ou la puissance.
[Analepse : Il y a 25 ans…]
Shinji Suzu : « La doctrine se construit sur la base de la co- »
Toki Suzu : « De la connaissance », l’interrompit-il.
Shinji Suzu : « Si même à ton âge tu le comprends, pourquoi ses abrutis en sont-ils incapables ? »
Toki Suzu : « J’apprends avec toi, il est normal que je partage ton avis. »
Shinji avait, comme tout le monde s’y attendait, succédé à son oncle à la tête du clan Suzu. Il tenait également le rôle de conseiller du Kage. La tâche était plus complexe qu’il n’y paraissait, tant les dirigeants actuels étaient loin de partager la vision idéologique et stratégique introduite par leurs aînés lors qu’ils créèrent l’unité scientifique. C’est cette position presque marginale qui avait radicalisé le discours et l’attitude du père de Toki. Ce dernier devait suivre un entrainement et un enseignement de plus en plus poussés, de plus en plus intenses. A son âge, ses seuls camarades étaient ses frères de clan. Ses seuls loisirs, le combat, la science, la recherche et l’espionnage. Il est pourtant difficile pour un enfant de 6 ans de n’avoir aucune activité divertissante. Mais les choses s’étaient profondément dégradées. La mort prématurée de Tanari, sa mère, n’avait fait que plonger toute la famille dans le travail pour ignorer la douleur. Ainsi, les jours, les semaines, les mois, les saisons passèrent.
Toki, grandissant, perfectionnait son art, ou plutôt celui que le clan dirigé par son père lui inculquait. Shinji, lui, s’était focalisé ces derniers temps sur un projet secret en lien plus ou moins direct avec les Bijuus. Ce projet avait nécessité qu’il construise un laboratoire, en retrait du village, perdu dans la brume des montagnes – un laboratoire qu’il avait nommé « T ». Toki en avait connaissance car il n’était pas rare que son père évoque avec lui ses travaux, mais sans jamais rentrer dans les détails.
[Temps présent…]
Le dernier représentant Suzu arpentait la route qui le conduisait vers le village et lui faisait quitter son antre – repère qu’il avait occupé depuis presque 20 ans – une longue canne à la main gauche. Elle était devenue son plus fidèle compagnon au fil des années, le guidant sur toutes les voies, dans tous ses choix. Elle seule tenait compte de la doctrine, de l’espace, du temps, du commandement et de la discipline. Le chemin en pente et rocailleux quittait les hauteurs nuageuses lorsque le souvenir du soir le plus marquant de sa vie d’antan lui revint.
[Analepse : Il y a environ 19 ans…]
Toki Suzu : « Mais lâche-moi ! », hurlait-il en se débattant. « Je te croyais partie pour le laboratoire T !! Mon père v- »
Membre du clan Suzu : « C’est justement là que l’on va. Shinji-sama nous rejoindra. »
Cette réponse le cloua sur place. Comme si cela avait brisé la résistance de son esprit et de son corps, il se laissa pratiquement emmener par l’escouade qui accompagnait sa cousine. Il aurait pourtant pu combattre. Ces shinobis avaient beau être entrainés, il aurait facilement pu se défaire de l’étreinte. Mais tout affrontement au sein du clan était proscrit, sans compter le fait que sa cousine, fidèle lieutenant de Shinji était suffisamment coriace pour lui poser quelques problèmes. De plus, le fait que son père cautionne, pire ait ordonné, cette action l’avait littéralement figé.
Après une petite heure de marche, durant laquelle on l’avait entravé et cagoulé, la troupe s’arrêta. Il se savait en hauteur. L’oxygène s’était raréfié et la température avait chuté. La voix qui brisa le silence lui fut plus que familière.
Shinji Suzu : « Mon fils, le moment est enfin venu. Le projet initial tient encore… Le projet T. »
Toki Suzu : « Otousan ! Que se passe-t-il ? Et quel est ce projet T dont tu p- »
Shinji Suzu : « Le projet T. Le projet Toki. »
[Temps présent…]
La pente s’adoucissait. Il se savait arriver à destination. Tout en effleurant des doigts le tatouage sphérique qui ornait son torse, il leva la tête comme pour regarder le ciel.
Toki Suzu : « Il est temps pour les Nuages de s’amonceler, de ne plus former qu’un tout d’une colère orageuse, et de déchainer sa foudre sur ses ennemis. »
Puis il avança vers ce qu’il savait être la porte du village de Kumo, précédé par les tâtonnements de sa canne.
..:: Projet T, Comme Toki ::..
[Analepse : Il y a 33 ans…]
À l’époque, le père de Toki n’avait pas la même aura que durant les années qui suivirent. Il n’était pas un membre reconnu du clan Suzu. Il travaillait pour l’unité scientifique et était, ce que les autres membres plus gradés, appelaient de la main d’œuvre. Il ne participait ni à l’élaboration des stratégies de recherches, ni à la réflexion autour des théories et principes scientifiques sur lesquels planchait le clan, ni même au choix des postes attribués à chacun des membres. Il n’était rien de plus qu’un exécutant. Un exécutant dévoué et travailleur, mais un exécutant malgré tout. Sa filiation avec le chef du clan et dirigeant de l’U.S.K. (unité scientifique de Kumo), son oncle Kanaû Suzu, n’arrangeait en rien sa situation et surtout ne favorisait pas son ascension, si tant est qu’il en ait rêvée.
Mais tout ne jouait pas fatalement en sa défaveur. Dans le clan, l’élitisme était basé sur la méritocratie. Il ne suffisait pas de naitre dans le clan pour se voir octroyer un quelconque droit ou une prétendue reconnaissance. D’ailleurs bon nombre des membres du clan travaillaient en dehors de l’U.S.K, ignorant jusqu’à son existence. Eux caractérisaient la face visible et connue du clan, alors que les autres évoluaient dans l’anonymat le plus total, voire l’indifférence générale. Cet état de fait résultait de la chape de plombs qui pesait sur tous les scientifiques de l’unité : secrets, mensonges, couvertures, dissimulations étaient leur quotidien. L’univers les ignorait mais le clan les considérait, ou tout du moins ses dirigeants. En effet, tout acte réalisé par un Suzu qui pouvait servir soit la cause du clan, soit celle du village, pouvait conduire à une reconnaissance et une élévation dans les couches sociales de la famille.
D’ailleurs par le passé, Suzu avait lui-même bénéficié de cette loi tacite. Un an auparavant, il avait sauvé, sans que cela ne fasse partie d'un quelconque plan, les travaux confrère en récupérant les résultats de ses études des mains d’un clan ennemi. Mieux, avant de les remettre à leur propriétaire, il avait pris le soin de corriger les erreurs qu’ils comportaient. Parfait autodidacte, Shinji était intuitif et curieux. Il avait appris les bases de la chimie et de la physique à l’académie du village. Mais il avait très largement dépassé ce niveau de compréhension sur sa propre initiative en étudiant notamment les propriétés des courants électriques modifiés par le chakra, sans même savoir que ce domaine était entièrement couvert par les travaux de l’unité. Son compatriote travaillait sur le même sujet quand les résultats de ses expériences avaient été dérobés par un groupe de Rônins issus d’un clan ennemi de Kumo. C’était au terme de cette aventure que son oncle l’avait introduit dans le cercle très fermé des membres de l’unité scientifique.
Dès lors, son parcours démarra au bas d’une nouvelle échelle. Mais là encore, cela servait ses intérêts. Pendant toute l’année qui s’écoula depuis son intégration, il cultiva son savoir, au travers de son activité d’exécutant, avec l’ensemble des connaissances qu’ils n’avaient pu acquérir à l’académie ou de manière autodidacte. Il progressa sur bon nombre de plans : scientifique, combat, stratégie, diplomatie, etc. Plus il accumulait des connaissances, plus son esprit en réclamait. Et bientôt, il fut atteint de la maladie qui frappe bon nombre de chercheurs : le désir de créer ! Il voulait un projet, un projet rien que pour lui, un projet qui lui permettrait d’être reconnu, un projet qui répondrait à son besoin d'accomplissement…
Ses efforts allaient être récompensés, et plus vite qu’il ne l’attendait. Ses actions au sein de l’U.S.K étaient observées. Depuis le début, Kanaû gardaient un œil un peu paternel sur son neveu. Lorsque ce dernier lui parut suffisamment mûr, il le prit alors sous son aile, voyant en lui un talent insoupçonné et une intelligence subtilement instinctive. Pendant des mois, les deux ne se séparèrent plus : travaux communs, cours, recherches croisées, les repas et les activités extra-professionnelles n’étaient plus que des prétextes pour à nouveau débattre de telle ou telle théorie. Et lorsque la complicité attint son paroxysme, le destin sembla définitivement penché pour le talentueux Suzu. Le bras droit de Kanaû fut envoyé en mission sur le front durant la rivalité qui opposa Kumo au reste du monde Ninja. Ce front fut sa dernière demeure, et sans que cela ne choque ni les dirigeants du village ni ceux du clan, Shinji fut celui qui prit la suite, investi par son oncle. L'ascenseur social lui avait enfin ouvert ses portes et l'escalade était fulgurante.
La vie a parfois cette dynamique qui fait fléchir la destinée. Shinji vivait pleinement cette dynamique et dès lors, la maladie qui l’avait gagné, cette quête de l’invention amenant la reconnaissance, connut une période de rémission. Celle-ci correspondait à sa rencontre avec Tanari. Cette jeune femme travaillait pour le bureau du Kage. Ils s’étaient croisés à plusieurs reprises lors de réunions qui impliquaient l’unité et le commandement du village. À force, ils avaient fini par se parler en dehors de ces réunions formelles et devenir plus intimes. En quelques mois, le rapprochement était si évident que tous pensaient qu’ils vivaient déjà ensemble. C’est la naissance de Toki qui avait officialisé la chose – cette naissance venant d’une part consolider une famille visiblement unie et d’autre part raviver l’appétit dévorant de la maladie de Shinji.
Dès les premiers mois de la grossesse de sa compagne, Shinji avait eu l’idée, il avait entrevu les éléments de son projet – ce projet qui pourrait étancher sa soif de scientifique. Sa création. Et pour cela il était prêt à transgresser les règles de déontologie au même titre que les règles qui définissent l’allégeance de l’unité envers le Raikage.
Une nuit où il était resté tard à son laboratoire, il fit la découverte qui allait tout changer. Il avait, par un procédé aussi simple à expliquer que difficile à réaliser, réussi à créer une altération du temps. En effet, lorsqu’ils sont modifiés, les courants électriques qui sont la base du magnétisme, de la cohésion des molécules, des énergies et des signaux, sont capables d’altérer le cours du temps dans un espace réduit. C’est sur la base de cette découverte qu’il allait bâtir son projet : être le premier à dominer se principe, à le disséquer jusqu'à le maîtriser, et enfin créer une nouvelle branche du Ninjutsu. Une branche que même le Sage des Six Chemins, Rikudo Sennin, n’avait pu créer… Ou n’avait su… Pour Shinji, toute sagesse, tout savoir était scientifique. Tout était science, et le Sage des Six Chemins était sans conteste le plus avancé des scientifiques, au moins jusqu'à lors...
À la naissance de son fils, le cercle d’amis proches s’était réuni autour du couple. Parmi eux, on retrouvait des membres de l’unité scientifique et autres membres du clan Suzu, ainsi que amis de Tanari. Shinji avait voulu garder le secret du prénom jusqu’à la naissance, ne sachant s’il s’agirait d’une fille ou d’un garçon. Quand la joie de l’arrivée du nouveau né envahit l’assistance, tous se tournèrent vers la petite famille, impatient de connaitre le prénom de ce petit être.
Un ami de Tanari : « Alors ? Vous avez réfléchi à un prénom ? », lança l’un d’eux alors que l’enfant pleurait, sûrement oppressé par cette foule qui l’entourait
Tanari : « En fait, on n- »
Shinji : « Toki »
Un collègue de Shinji : « Toki ? Comme… Le temps ? », répondit un de ses collègues
L’enfant cessa ses cris et fit des grisettes à sa mère qui le tenait.
Tanari : « On dirait que ça lui plait… »
Shinji : « Toki Suzu… Bienvenue dans ce monde plein de promesses à ton égard », mon fils.
Shinji avait ainsi baptisé son fils… Et son projet.
..:: Nuage, Foudre et Temps ::..
[Analepse : Il y a 28 ans…]
Shinji Suzu : « Kanaû-sama, vous ne pouvez pas ignorer l’importance de ce projet ! Il pourrait tout faire basculer ! »
Kanaû Suzu : « Basculer quoi au juste, Shinji ? La position du village sur cet échiquier politique ou la tienne ? »
Shinji Suzu : « Ce n’est pas mon ambition personnelle que je sers ! Je place mon énergie et mon travail à votre service, à celui du clan et du village. »
Kanaû Suzu : « C’est inutilement dangereux ! Et pour le village et pour le clan ! »
Shinji Suzu : « Dangereux pour nous ou pour le Raikage ? Ou pour vous ? »
Kanaû Suzu : « Pardon ? Je ne te perm- »
Shinji Suzu : « Je suis désolé, Kanaû-sama. » (Pause) « Ecoutez, je suis certain que tout ceci sera bénéfique pour tout le monde. Tout ce que je vous demande, c’est de me donner carte blanche pour poursuivre l’opération. Avec l’argent nous serions capables de construire le laboratoire nécessaire à notre projet. Cet homme a du pouvoir et des moyens, il po- »
Kanaû Suzu : « Il est l’ennemi du monde Ninja !! coupa Kanaû, l'exaspération donnait un volume inattendu à sa voix. »
Les deux plus hauts gradés de l’unité, et par analogie, du clan Suzu, avaient déjà eu cette discussion. Quelques semaines plutôt, Shinji avait été obligé de révéler sa découverte à son mentor et supérieur. Enfin au moins une partie : il lui avait expliqué le principe qu’il était parvenu à mettre en évidence aux travers de ses expériences mais s’était bien gardé de lui donner les détails des toutes dernières avancées. Pour mettre en œuvre son projet, il avait besoin de fonds afin de construire un laboratoire bien plus grand que les locaux de l’unité et surtout plus isolé. Il savait que toute demande de budgets supplémentaires devait être justifiée, ce qu’il se refusait à faire. Révéler ses plans reviendrait à partager sa découverte avec les membres du conseil de Kumo et à en perdre le contrôle.
Entre temps, la guerre avait pris une tournure particulière. Le rapport de force s’équilibrait mais les forces obscures qui ne demandaient qu’à faire s’écrouler le monde tel que tous le connaissaient, étaient prêtes à tout. Shinji eut vent d’un individu, plus ou moins chef de file de ces forces du mal, dont les moyens lui permettraient peut-être d’atteindre ses objectifs personnels. Sa stratégie était simple : aider secrètement cet homme à réaliser ses desseins contre une large compensation puis construire son laboratoire en dehors de l’enceinte du village et hors de l’influence du quiconque. Pour ce faire, il mit en œuvre un plan aussi risqué qu’ingénieux. De la même manière que la réputation de cet homme avait placé ce dernier dans le champ de Shinji, il allait entamer une démarche réciproque. Il fit courir des rumeurs, usant pour cela des hommes qui travaillaient pour lui, selon lesquelles il avait mis au point un système de contrôle suppression du contrôle des Bijuus. Un jutsu pour tout dire capable d’annuler l’obéissance forcée que les villages employaient pour dominer les Bijuus. Ces travaux existaient bel et bien, mais n’étaient pas ceux du père de Toki.
Il ne fallut pas 6 mois pour que l’homme prenne contact avec Shinji par l’intermédiaire d’un de ses messagers. Le deal fut scellé sans que les principaux protagonistes ne se rencontrent. Les fonds furent transférés et en échange, Shinji communiqua à cet ennemi du monde Ninja les travaux d’un de ses collègues à l’U.S.K. Le mal étant fait, Kanaû n’avait d’autre choix que d’assumer avec son neveu, d’où leurs échanges régulièrement musclés sur le sujet.
Shinji Suzu : « Nous n’avons pas besoin d’expliquer au conseil d’où provient l’argent pour le laboratoire, ni même qu’il y a un laboratoire », reprit-il calmement.
Kanaû Suzu : « Il faudrait peut-être les tenir au courant du fait que tu lui as donné de quoi reprendre le contrôle de tous les Bijuus, Jinchuurikis ou pas ! » éclata le chef du l’unité.
Shinji Suzu : « Grâce au laboratoire, on pourra contrecarrer ce jutsu qui n’est d’ailleurs pas complet…Vous savez que c'est vrai. Nos travaux sont bien plus importants pour le village, particulièrement dans cette lutte, que tous les principes de non-violation des traités ou que la déontologie que le conseil pourrait invoquer pour pointer du doigt nos actions. »
Il eut une pause pendant laquelle Kanaû fit les cents pas dans son bureau. Shinji comprit qu’il avait réussi à infléchir la position a priori immuable de son supérieur. Ils en restèrent là mais son analyse fut vérifiée quelques jours plus tard lorsqu’il fut notifié de l’accord pour le laboratoire. Son laboratoire. Les travaux allaient durer 2 ans : avec une équipe composée de membres du clan et de travailleurs issus de diverses communautés, Shinji fit bâtir l'écrin pour sa création. Deux ans pour mettre en œuvre le laboratoire qui l'amènerait à concrétiser son ambition. Deux années durant lesquelles Shinji ne relâcha pas son effort. Il avait tout planifié pour son fils : prescripteur, cours privés, emploi du temps strict. Chaque pièce trouvait sa place dans ce plan d’envergure : les infrastructure pour les recherches, l’individu unique pour le cobaye. Le seul imprévu fut la mort de sa femme, Tanari, mais même cela, il sut le tourner en sa faveur, forçant la chair de sa chair à noyer son chagrin dans le travail. La chair de sa chair qui se trouvait de plus en plus au cœur de son projet, tant les avancées de ses expériences s’avéraient probantes.
Six semaines après l’accident, qui emporta de manière tragique et prématurée sa femme, Shinji monta une réunion de cadrage avec Kanaû qui souhaitait tout savoir du projet qu’ils avaient baptisé Koro. Seul Shinji y faisait référence comme le projet T ou simple Toki, son fils. Cette réunion devait mettre autour de la table le chef de l’U.S.K, la nièce et assistante de Shinji, ainsi que Shinji lui-même. Jusqu'ici seuls ce dernier et sa seconde avaient connaissance de l’implication du jeune Toki. Après avoir abordé quelques détails ils entrèrent dans le vif du sujet.
Shinji Suzu : « Rim, lis-nous le rapport. Qu'indiquent les résultats ? »
Rim Suzu : « Bien. Aux vues des derniers essais, le flux de chakra à maintenir pour activer l’altération du temps doit avoir une dynamique particulière. Les brèches que nous arrivons à créer ne sont pas stables. »
Kanaû Suzu : « J’imagine que vous avez déjà analysé le type de flux capable d’ouvrir ces brèches, l'intensité nécessaire, la fréquence, la durée ? »
Rim Suzu : « C’est un peu plus complexe que cela, nous semble-t-il... »
Rim et Shinji échangèrent un regard qui semblait dire « comment le lui annoncer ». Shinji prit la parole après un hochement de tête à sa nièce.
Shinji Suzu : « Visiblement, seul un flux naturel peut activer l’altération. »
Kanaû Suzu : « Naturel ? »
Rim Suzu : « Humain... »
Shinji Suzu : « Il faut que le chakra soit malaxé de manière naturelle. Le Koro ne réagit qu’à cette condition pour se stabiliser et se maintenir. Il ne nous est pour l'instant pas possible ou très difficile de reproduire en laboratoire l'agitation naturelle du flux de chakra et encore moins son intensité, grandement soumises toutes deux aux émotions d'un individu... »
Cette révélation jeta un froid dans la pièce. Ils prenaient petit à petit conscience des implications. Le projet prenait une tournure inattendue et déontologiquement sensible. Enfin, pas pour tout le monde, car cette découverte, Shinji l’avait faite il y avait déjà plusieurs mois. C’était d’ailleurs ce qui avait motivé son choix de renforcer son propre fils, Toki. Les études, les cours, tout ceci visait à masquer ses réelles intentions et les entrainements spécifiques qu’il lui faisait suivre sur le contrôle des énergies, des émotions, du corps. Entre deux cours de chimie se glissait souvent des séances de méditation durant lesquelles Shinji analysait l’évolution de son héritier. De même, entre un cours de Kendo et un exercice de contrôle du chakra, exercice de base enseigné à l’Académie Ninja, Toki devait assister à des cours sur la dissimulation, l’espionnage, le contre-espionnage, la recherche et la collecte d’informations, la transformation, l’infiltration : tout le bagage théorique du parfait membre de l’ANBU, et ce malgré son âge. Quoi qu’il en soit, Kanaû voyait dans ces travaux autour du Koro un moyen de renforcer le Village des Nuages, et par la même le Pays de la Foudre. Peut-être même y voyait-il un intérêt personnel. Mais pour Shinji et Rim, les choses étaient tout autre. Toki serait le fondateur du renouveau du clan Suzu. Tel en avait décidé son géniteur. Même si à cet instant, le jeune garçon ignorait tout des desseins de son père.
La réunion se poursuivit malgré ce que Kanaû venait de découvrir. La stratégie pour laquelle il opta fut celle de la lâcheté, se dit Shinji. Le responsable de l’unité lui indiqua de poursuivre les travaux jusqu’à ce qu’il soit capable de stabiliser le procédé. Le père de Toki comprit que son mentor était coincé : il ne souhaitait pas mettre un terme à ces recherches si prometteuses, mais cela lui posait un cas de conscience. Le Raikage serait contre, il en était convaincu. Sans compter le pacte passé par Shinji avec l’ennemi. Il fallait continuer mais désormais le secret le plus total était de mise.
Plus tard, l’année suivante, lorsque Kanaû décida de se retirer. Nul ne sut ce qui avait motivé ce choix, pas même le conseil du village. Shinji prit sa suite et avait désormais entre ses mains tous les moyens de poursuivre son projet. La construction du laboratoire s’était achevée et son fils suivait, sans se douter de ce qui l’attendait, le chemin tracé pour lui.
..:: Une Volonté Imprimée Dans La Chair ::..
[Temps présent…]
Toki s’était enfin décidé à rejoindre le village qui l’avait vu naitre. Les troubles qui agitaient le monde Ninja n’y étaient pas étrangers. La guerre était de retour, plus sauvage, plus cruciale, plus violente que jamais. Lui avait connu les effets secondaires de la guerre précédente, car il était trop jeune à l’époque pour être envoyé au front. Peut-être son père l’avait-il là aussi préservé…
Le tatouage représentant une sphère noire sur son torse était aussi un « cadeau » de Shinji Suzu. Il le reconnaissait aujourd’hui. Utilisé comme un outil, son honneur et sa dignité bafoués, trahi par les siens, il avait toutes les raisons du monde de haïr son propre sang et de rejeter sa filiation au clan Suzu. Mais il n’en était rien. Plus que quiconque, il comprenait les choix de son père. Ses mensonges, ses secrets. Il se rappela ses propres mots, quand, ce soir-là, ce soir où sa vie avait basculé, il lui avait dit comprendre. Qu’il devait faire ce qu’il avait à faire. Toki était loin de se douter jusqu’où Shinji était allé ou comptait aller mais il savait en son fort intérieur que l’éducation particulière qu’il avait reçue avait un sens, un but. Lui aussi réfléchissait et agissait ainsi : tout avait un sens ou un but. Toutes les pièces devaient s’emboiter. Rien ne relevait du hasard.
Et en effet, il n’avait rien laissé au hasard. Après cette nuit marquante, il avait été obligé de vivre sur les lieux du drame. Il avait été obligé de faire le mort, de disparaitre. Il avait été contraint de laisser le conseil dissoudre son clan, en capturer les membres, même les moins impliqués. Il savait que le Raikage ne laisserait aucune trace des Suzu. Les membres seraient « dissipés » comme les nuages d’un ciel trop bleu pour les accueillir. Shinji avait franchit la ligne jaune sur le plan de la déontologie et de la politique du village. Tous les Suzus en avaient payé le prix fort. Déchus de leur rang, jetés aux oubliettes de l’histoire, éliminés, emprisonnés, torturés, exilés…
Mais tout ceci n’était pas vain. Shinji lui avait légué bien plus qu’un pouvoir novateur. Ce tatouage était le symbole d’une volonté, une volonté inscrite dans la douleur et chargée de peine. Mais cette volonté projetait le jeune homme bien plus loin qu’un simple retour au village. C’était une renaissance : celle du clan. Et la douleur lancinante dans sa poitrine était là pour le lui rappeler.
Pour atteindre son objectif, il avait tout sacrifié. Son père et son clan entier avaient versé un lourd tribut pour que la volonté de leur chef s’accomplisse, de gré ou de force. Lui, donna l’un de ses cinq sens. Sans la vue, il voyait malgré tout plus loin que les autres, plus vite et de manière plus précise. L’aveugle voit toujours dans le cœur des hommes, dans l’âme de tous ceux qui l’entourent. L’apprentissage du repérage dans l’espace et l’acquisition de la mémoire spatiale ne furent pas chose facile mais à cœur vaillant, rien d’impossible. Aujourd’hui, Toki était capable de se déplacer avec la seule aide de sa canne. Ses quatre autres sens s’étaient aiguisés. Il était prêt, fin prêt pour son retour. Kumo et le monde entier ignoraient tout ou presque des Suzus, et encore moins de lui, le mort qui ressuscita aveugle. Mais il était prêt à rejoindre l’un des deux camps qui s’opposaient. Il était enfin prêt, l’attente avaient était suffisamment longue : presque deux décennies.
Approchant du village, il s’éclaircit la voix, préparant presque son discours. Cela faisait plusieurs années qu’il n’avait parlé à personne et ce retour à la civilisation se devait être réussi. Son cœur, son âme et tout son être le lui intimaient.
..:: Fin ::..