Un nouveau sensei, un nouveau commencement [PV Raimei Hokoru]

Mon tour était venu, au final. Le Raikage m’avait prévenu la veille que désormais, j’aurai plus à faire que gérer uniquement mes missions et mes autres responsabilités de Jûnin déjà acquises. Un genin venait de m’être assigné, une jeune fille du nom de… Kora? Ouai, c’était bien son prénom, d’après mes souvenirs. Dans la mesure où quand je retenais quelque chose, c’était par intérêt, je n’étais pas prêt d’oublier. Je n’avais pas forcément le même sens des priorités que la majorité des gens qui m’entouraient, cela ne m’empêchait pas pour autant de prendre la situation au sérieux. Même si j’étais décontracté, des questions basiques me venaient en tête. Par exemple, comment est-ce que ça allait se passer? Serais-je un bon professeur? Non pas que je fus anxieux d’une quelconque façon, mais j’avais tout de même tendance à garder ces interrogations en tête. Après tout, il ne s’agissait pas de moi, principalement. L’important était d’enseigner les arts ninjas à cette jeune fille… pour cette raison, j’aimais penser que lorsque je faisais quelque chose, je le faisais bien. Le travail mal fait n’était pas vraiment mon lot. Je levais la tête vers le ciel qui commençait à se fondre dans des tons chamarrés, observant les premiers rayons du soleil. J’imagine que l’heure du rendez-vous était arrivée… ça tombait bien, j’étais quasiment au terrain d’entrainement. Commencer en étant ponctuel, c’était une bonne chose, sans doute.

La main droite dans la poche correspondante, je jouais distraitement avec un couteau de lancer de l’autre main, m’occupant à le lancer afin qu’il tourne en l’air pour finalement le rattraper et recommencer l’opération, les yeux cependant rivés devant moi. Encore deux petites minutes environs et je serai arrivé. Etrangement, je me surprenais assez, ce matin. À la vue de mon caractère plutôt distant et solitaire, il aurait semblé normal que je trouve cette responsabilité nouvelle comme une corvée plutôt qu’autre chose. Je n’aimais pas trop m’approcher des gens, qu’ils soient jeunes ou vieux, hommes comme femmes. Aussi, me retrouver en garde de quelqu’un d’autre semblait à première vue aller contre ce trait de caractère qui était le mien… une entreprise destinée à échouer. Cependant, je n’avais pas pris les choses sous cet angle et elles en devenaient bien plus enviables. Après tout, moi aussi j’avais été formé, par mon sensei, par mon père. Ils étaient tout deux décédés mais ils m’avaient transmis leur volonté, leurs savoirs. C’était à mon tour de transmettre le flambeau, n’est-ce pas? De ce point de vue, enseigner ce que je savais à plus jeune que moi semblait être une tache honorable et bien plus attirante. Je devais faire honneur à ce qui m’avait été inculqué et m’assurer que ces connaissances ne tombent pas dans l’oubli. Cette tache allait commencer aujourd’hui, avec cette jeune fille. Les gens disaient aussi que voir d’autres personnes pouvait faire du bien, de temps à autre. Si c’était vraiment le cas, prendre en main l’entrainement de cette jeune ne pouvait pas me faire de mal.

J’arrivais finalement au terrain d’entrainement du village de Kumo. Principalement une grande étendue assez rocailleuse avec quelques rochers qui crevaient le sol pour venir s’incruster dans le paysage plane. Parfois quelques surélévations minérales. Nous disposions de notre propre environnement, nous, les Kumojin… et avec un village réputé pour se trouver au-delà même des nuages, il était difficile de trouver autre chose sur les versants ardus des montagnes que de la caillasse. Cela-dit, nous vivions très bien avec. Passant l’arche de pierre qui servait de point d’entrée officielle à la zone d’entrainement que j’avais tant côtoyé autrefois, y retournant même encore de temps à autres, je me mis à scruter les environs pour déceler la position de la jeune fille que je devais rencontrer. Passant en revue visuellement les alentours, je remarquais une forme différente du reste, une forme humaine assise en tailleur sur un rocher. C’était elle, à n’en pas douter. Le contraire aurait voulu dire qu’elle avait raté le rendez vous et que quelqu’un d’autre s’amusait à venir méditer au petit matin, ce qui était moins probable… bien que possible. Je me dirigeais donc vers elle d’un pas lent, laissant le silence matinal déjà mis à mal par le gazouillement joyeux des oiseaux qui se réveillent être brisé par la percussion de mes bottes contre les galets qui rebondissaient paresseusement sur quelques centimètres avant de se figer, n’attendant plus rien d’autre qu’une autre semelle pour leur marcher dessus. Toujours en train de jouer avec mon couteau de lancer, je le projetais en l’air une ultime fois avant de le rattraper tout en douceur pour finalement le ranger à sa place, bien au chaud dans ma pochette gauche. Je ne pensais pas en avoir l’utilité aujourd’hui, mais l’avenir me le dirait sans doute.

J’arrivais à proximité de la jeune fille et elle ouvrit les yeux pour me regarder, sans bouger plus que ça. Elle avait vraiment l’air d’une gamine. Elle devait sans doute avoisiner la dizaine d’année, sans plus. Plutôt petite, des traits enfantins… il était parfois surprenant de voir à quel point un ou une ninja pouvait agir en contradiction avec son apparence ou son caractère. J’en était le parfait exemple. Autrefois chétif et renfermé sur moi-même, j’avais pourtant réussi dans cette voie. J’avais l’impression d’avoir ce style d’exemple en face de moi. À première vue, si ce n’était pour l’attirail ninja que je pouvais deviner dans ses sacoches, personne n’aurait pu dire qu’il s’agissait d’une Kunoichi. En tout cas, cela promettait sans doute des surprises. M’arrêtant à un bon petit mètre d’elle et de son rocher, je croisais les bras sur ma poitrine d’une façon nonchalante, un genou légèrement plié, le visage neutre au regard détaché. Pour sa part, elle me semblait anxieuse. Je voyais à son visage que même si elle n’avait pas effectué le moindre geste et dit le moindre mot, elle appréhendait… c’était compréhensible, d’un côté. J’avais moi-même eu quelques tracas avant de rencontrer mon propre sensei, et ce malgré mon caractère posé. Savoir qu’un inconnu allait débarquer dans votre vie pour vous prendre en charge, qu’il deviendrait la personne à suivre et écouter, qu’en quelque sorte vous seriez lié à lui ni plus ni moins… des choses parfois difficiles à encaisser mais qui étaient le quotidien du monde Shinobi. Même si je ne souriais pas forcément, j’étais loin d’être du genre effrayant, au naturel. J’espérais qu’elle s’habituerait assez vite. Je pris finalement la parole, de cette même voix suave et tranquille qu’à l’accoutumée.

- Bonjour. Tu dois être Kora, je me trompe?

Spoiler:

C’est une bonne nouvelle, il s’agit bien de la jeune fille avec qui je suis sensé avoir un rendez vous, à cet instant même. Personne n’est en retard ou ne s’est défilé. Elle hoche doucement de la tête sans dire un mot avant de se décider à descendre de son perchoir dans un geste souple, qui se fini néanmoins avec une gêne bien présente. Ce léger pas sur le côté à l’atterrissage ne peut pas me tromper, tout comme il ne tromperait pas un ninja averti. Je me contente de l’observer alors qu’elle entreprend d’adopter une posture plus droite, ne pipant mot. De toute manière, ce n’est pas comme si j’avais quelque chose à dire là-dessus. J’ai remarqué son malaise auparavant, un malaise qui était aussi visible qu’envisageable. C’était plus une déduction qu’un constat établi, les signes étaient là et j’en avais assez sous la main pour établir une hypothèse. Cet embarras était prévisible car il n’était jamais facile d’être jugé par un autre, placé entre ses mains. Des mains inconnues qui nous dictaient que faire. Un personnage qui nous observait sous toutes nos facettes et se réservait le droit de les modifier, ou du moins le tenter. J’avais ressenti la même chose, à son âge. Lorsque Sangaku sensei m’avait pris en charge. Heureusement, j’étais sans doute moins vache que lui… il aurait déjà fait une remarque, tout comme il m’avait pointé du doigt pour mon caractère absent, ainsi que mon Ô combien intéressant « Coéquipier » pour sa vanité. Plonger dans ces souvenirs aurait pu apporter un sourire sur mon visage mais, dans la mesure où je n’étais pas là pour m’adonner à un peu de mélancolie, mon rictus resta le même, neutre. Elle me jaugea du regard et je l’observais de mon air égaré, nos yeux se croisant à plusieurs reprises. Finalement, elle induisit que j’étais son sensei en souriant, ce qui n’était pas une mauvaise déduction. Je hochais passivement du chef pour lui confirmer ce qu’elle venait de dire, tandis qu’elle élargissait son sourire. Tant mieux, c’était un bon début… en contraste avec son malaise palpable de plus tôt, c’était louable.

Elle me parla ensuite d’entrainement, de choses que faisaient les sensei avec leurs élèves… bref, de notions qui ne m’étaient pas forcément évidentes. Après tout, chaque professeur était différent, pour de différents élèves, ce qui semblait logique. J’avais toujours pensé que la force d’un village ne reposait pas uniquement sur la puissance brute de ses troupes mais bien sur les différences entre celles-ci même. Peut-être que si j’avais rencontré un autre enseignant j’en serais ressorti différent, j’aurai même échoué… ou mieux réussi? Cela me semblait étrange de penser à ça. Après avoir appris la majorité de ce que je savais du même homme, remettre en doute ses enseignements et en imaginer de meilleurs semblait bien rude. Pour en revenir à la jeune fille devant moi, Kora donc, elle semblait avoir un schéma pré-établi de ce qui pourrait se produire à mon arrivée. Pour ma part, j’avais prévu de converser un peu avec elle, n’étant pas forcément d’une nature outrancièrement belliqueuse… j’estimais juste qu’un peu de conversation semblait plus civilisé avant de commencer à lui inculquer ce que je savais, ce qui promettait d’être une tache qui ne serait pas de tout repos pour moi comme pour elle. Elle termina sa phrase en affirmant qu’elle était déjà là depuis l’aube et qu’elle s’échauffait. C’était quelque peu dommage dans la mesure où je ne comptais pas la mettre à l’épreuve tout de suite. Cependant…

… je n’eu pas vraiment le choix, à vrai dire. Avant que je n’ai pu répondre à ses mots, elle termina son ultime phrase en lâchant au sol une bombe fumigène, ce qui eu un grand mérite : me surprendre. Pour plusieurs raisons qui étaient liées. Globalement, je ne m’attendais pas à commencer les « hostilités » immédiatement, restant dans une posture plutôt décontractée. Ce qui en découlait était une hébétude quant à son comportement, à elle : je n’aurai pas pensé que Kora prenne les devants avant même que j’ai pu dire quelque chose, pour nous lancer dans une séance d’entrainement. Était-il normal que les élèves prennent en main les choses vis-à-vis de leurs professeurs? J’étais à peu près sûr que non. Quelqu’un d’autre aurait sans doute été irrité, mais je ne réagis pas comme les autres. Malgré mon ennui quant au fais de m’agiter si tôt le matin alors que l’on aurait pu s’asseoir et parler, je devais donner une bonne appréciation à cette initiative. Elle savait surprendre, elle n’avait pas laissé un seul temps mort entre ses paroles et la diffusion du gaz, agissant sur le coup de ma concentration détournée. La main devant la bouche, je plissais les yeux avant d’effectuer un bond pour me retrouver hors du nuage de fumée. Atterrissant accroupi, je laissai la flexibilité de mes articulations faire le reste, me relevant avec une certaine nonchalance même si j’adoptais une attitude foncièrement différente. Genoux légèrement fléchis, talon légèrement relevé, j’étais près à bondir tel un fauve à la première occasion, pour attaquer comme me défendre. Le nuage se dissipa finalement et j’observais les alentours avec un air suspicieux, d’un regard d’aigle. Rien. Elle avait disparu. Je soupirais en roulant des yeux, joignant mes mains.

- Eh bien… je dois avouer que cette absence totale de patience m‘a surpris.

Que faire? Elle était hors de mon champ de vision et je devais faire fonctionner mes méninges. J’avais une technique parfaite pour ce genre de situations, tant qu’on excluait le fait qu’elle puisse s’envoler… cela dit, je n’y croyais guère, ce n’était pas réellement l’acabit des jeunes de Kumo, même si nous étions au village caché des nuages. De plus, une capacité de ce genre était quelque chose de rare, je doutais fortement qu’on m’ai donné la garde d’un élève de ce genre, destiné à servir le pays en tant qu’arme. C’était triste à dire mais réel. Et puis… être invisible? Peu probable. Il me restait deux solutions : la plus improbable fut qu’elle se trouva en face de moi, cachée à mes sens par une quelconque technique. La deuxième, plus cohérente… était de regarder sous mes pieds. Avec un terrain rocailleux de ce genre, n’importe quel ninja doton aurait pu se camoufler avec aisance. Dans les deux cas, elle était en contact avec le sol, donc une surface conductrice… ce qui me laissait une seule option. Mieux valait prévenir que guérir. Formant plusieurs Mudra, j’abattais finalement mes mains au sol en pliant les genoux.

- Raiton, Dengeki.

Du chakra s’échappa de mes mains pour se répandre dans le sol, malaxé avec la foudre. C’était un petit pari, mais un pari tout de même. Peut-être qu’elle était ailleurs… en tout cas, si elle se trouvait sous mes pieds ou dans un environnement proche, à une distance de vingt mètres, ça aurait tendance à la faire sortir. L’électricité se répandit dans le sol à une vitesse caractéristique. L’esquive n’était pas une option non plus, à moins de disposer de réflexes qui auraient dépassé ma compréhension. Pourtant, j’étais quelqu’un de rapide. Avais-je eu raison d’effectuer cette petite dépense de chakra? J’allais le savoir.

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