La loi de la jungle [Rang C]

C'était une après-midi étrangement ensoleillée qui faisait le bonheur des habitants de Kiri en cette étonnante journée d'Hiver, un caprice du climat si singulier qu'il en bouleversait les habitudes de chacun. Les manteaux, pulls, et vestes épais avaient étaient délaissés dans les armoires au profit d'habits plus légers, que les Kirijins avaient peu le loisir d'enfiler sans risquer d'attraper froid. Ce Soleil resplendissant ne déplaisait pas à Kitaki qui se sentait comme plus vivante à le sentir flatter sa peau et ses cheveux de sa douce chaleur. Cela lui rappelait en partie ses années d'enfance passées au Pays de la Foudre. Mais la genin savait qu'un beau temps ne devait pas servir de prétexte à un quelconque relâchement de sa part. Et de toute manière, Kitaki avait été dépêchée pour l'accomplissement d'une petite mission de routine qui consistait à calmer des gamins un peu trop échauffés par la fleur de l'âge. Il était donc hors de question de lézarder au Soleil.

Plus que cet objectif relativement peu stimulant qui relevait plus d'une action sociale que d'une intervention militaire, Kitaki avait été tentée d'accepter cette mission en bonne partie en raison du nom du partenaire qu'elle allait avoir à ses cotés. Pour être exact, il s'agissait d'UNE partenaire, et plus qu'une partenaire, une vieille amie qu'elle s'était faite à l'académie ninja. Physiquement, Nanami et Kitaki étaient comme le jour et la nuit. La première était blanche de peau, la second basanée. Nanami avait les cheveux blonds, Kitaki les cheveux bruns. Cette dernière avait les yeux dorés, et sa consoeur des iris argentés. Mais les deux kunoichis se rapprochaient de par leur passé similaire, tous deux durs à porter. Bien qu'elles n'eurent jamais vraiment abordé la question en profondeur entre elles, quelque chose au plus profond de leur conscience reconnaissait leurs similarités morales et avait contribué à les rapprocher l'une de l'autre.

Depuis l'examen leur ayant permis de passer genin, les deux jeunes filles n'avaient pu eu beaucoup d'occasion de se voir. Fait qui attristait quelque peu Kitaki qui avait tenu à rattraper le temps perdu en acceptant de participer à cette mission. Elles s'étaient croisées brièvement au bureau d'administration mais n'avaient pas vraiment eu le temps de discuter. Les deux genins avaient juste convenus d'un rendez-vous le lendemain, sur la grand place du village.

Quand Kitaki apparut au détour d'une ruelle voisine, elle esquissa un vague sourire en reconnaissant sa consoeur qui savourait nonchalamment une petite brochette, les cheveux détachés voletant paresseusement au gré du vent. Nanami n'avait pas vraiment changé en quelques années, elle avait toujours ce petit air enfantin qui la rendait adorable. Kitaki s'avança vers elle en levant familièrement la main en guise de salut.

- Hé, Nanami, t'es sacrément en avance ! Ça te va bien les cheveux longs, tu sais ?

Machinalement, Kitaki se tritura la queue de cheval en se demandant si elle-même n'aurait pas meilleure allure en la détachant, mais l'heure n'était pas à une remise en cause de son look. Elle s'installa aux cotés de sa vieille amie, les bras croisés, prenant le temps de prendre une bonne bouffée de l'air presque estival qui balayait les rues.

- Un sacré temps, pas vrai ? Mais on a du boulot qui nous attend, on en profitera après.

Elle donna une petite tape dans le dos de sa consoeur en la gratifiant d'un sourire aussi chaleureux que le Soleil au dessus de leur tête, tout en s'avançant au cœur du centre-ville. Kitaki marcha à une allure tranquille autant pour ne pas brusquer sa camarade que pour simplement profiter de la promenade de santé que constituait cette mission à ses yeux.

- Je suis désolée de ne pas être venue te voir récemment.

Finit-elle par lâcher en s'arrêtant au beau milieu d'une allée marchande.

- Tu sais... j'accorde beaucoup d'importance à notre amitié. Après-tout, tu m'as tendue la main à l'académie alors que j'étais... différente, issue d'un autre pays... avec un teint sombre...

Kitaki hocha négativement la tête et interpella un vendeur derrière sa roulotte qui préparait divers petits amuse-bouches. Elle acheta deux brochettes de poulpe similaires à celle que grignotait Nanami à son arrivée.

- Bref ! Contente de te revoir, soeurette.

Déclara Kitaki en tendant l'une des brochettes à sa consoeur en lui adressant un clin d'oeil complice. Cela faisait longtemps qu'elles n'avaient plus mangé un morceau ensemble.

©Naruto Sensou

Les retrouvailles des deux genins furent vite interrompues par l'intervention inattendue d'un adolescent aux airs paniqués, qui déboula d'une venelle voisine en bousculant bon nombre de passants, sans véritablement s'en soucier. Ce n'était pas par impolitesse -bien qu'il ait pu en faire preuve-, mais parce qu'il était submergé par la peur et n'accordait pas grande importance à ces quelques personnes qu'il secouerait un peu dans sa précipitation. Il devait avertir ses congénères pendant qu'il était encore temps. Le malaise de ce garçon n'avait pas échappé aux regards aiguisés de Kitaki et Nanami. Cette dernière intercepta abruptement le jeune homme en le bloquant via une clé de bras. Paniqué, l'adolescent révéla immédiatement de maigres informations qui furent bien suffisante pour comprendre de quoi il était question : Un conflit imminent entre deux bandes de jeunes.

Les conflits entre groupes d'adolescents étaient rarement source de gros ennuis. Mais dans le cas présent, on avait débauché deux ninjas ce qui laissait entendre qu'il y avait matière à s'inquiéter. D'autant plus que ce gamin fuyard était particulièrement perturbé, alors que les relations tendues entre les quartiers Est et Ouest ne dataient pas d'hier. Les gamins du Quartier Est préparaient quelque chose de gros, ou avaient obtenu les moyens de le faire. Restait à connaître le fond de l'histoire et éviter qu'elle apparaisse dans le journal du lendemain dans la catégorie Faits Divers... avec un lien direct avec la rubrique nécrologique.

Après avoir libéré le gamin, Nanami entreprit de le suivre pour empêcher les gosses du Quartier Ouest de paniquer ou de se mettre à saccager dieu-sait-quoi en représailles vis à vis de leurs homologues du Quartier Est. Pour sa part, Kitaki s'enfonça dans ce dernier quartier, balayant chaque rue des yeux, traînant les oreilles en quête d'informations. Sa recherche ne tarda pas à porter ses fruits. Elle ne trouva pas les adolescents mais put deviner ce qu'ils avaient pu faire qui avait effrayé le gosse du Quartier Ouest. Car Kitaki avait pu capter les bribes d'une conversation intéressante entre deux hommes du coin. C'est adossée à un mur contigu qu'elle fit mine d'attendre quelqu'un le temps d'en apprendre plus.

- Alors ? Ça donne quoi ces recherches de la caisse perdue du port ?

Un homme dégarni, assez massif, d'une trentaine d'années, travaillant probablement sur les docks à en croire ses habits, haussa ses larges épaules en secouant la tête.

- Pas d'nouvelle. C'est pas bon signe...

Le second homme, un vagabond à la moustache brune saillante, se gratta l'arrière de la tête tandis qu'un air contrarié se dessinait sur son visage.

- Il est quand même question de marchandises pouvant être impliquées dans des meurtres. Vous feriez mieux de remettre vite la main sur ces trucs avant que ça ne fasse un scandale.

Le docker fronça les sourcils et croisa les bras.

- Rien de grave n'arrivera... t'inquiètes.

Il n'était pas difficile de faire le rapprochement entre ce vol et les jeunes du Quartier Est qui se réunissaient occasionnellement sur les quais pour flâner et éventuellement se laisser aller aux joies de l'ivresse. L'un d'eux se sera probablement vu lancé un défi par ses copains, consistant à dérober l'une des caisses fraîchement débarquées. Les jeunes ne se doutaient probablement pas de la nature des marchandises qu'ils avaient dérobées, ils devaient désormais s'être rendu compte l'ampleur de leur bêtise. Restait à savoir s'ils comptaient s'enfoncer un peu plus dans la délinquance ou faire preuve d'un minimum de sagesse en rendant les armes, ou au moins, ne pas s'en servir.

Kitaki ne préférait pas miser sur le bon sens d'adolescents en situation difficile et préféra poursuivre ses recherches sans Nanami qui, de toute façon, ne tarderait probablement pas à la rejoindre. Un quart d'heure plus tard, Kitaki finit par tomber sur une bande de jeunes en train de frimer avec des kunais et quelques wakizashis dans une rue sombre peu fréquentée. Elle demeura tapie dans les ténèbres, attendant de voir ce qu'ils allaient faire. La genin ne savait pas si d'autres gamins étaient armés ni où ils se trouvaient, il valait mieux prendre son temps pour agir au bon moment. Pour l'heure, Kitaki préférait les écouter de loin, et enregistrer les informations intéressantes.

©Naruto Sensou

L'observation des adolescents renfrognés du Quartier Ouest ne donnait pas vraiment de résultat constructif. À part rouler des mécaniques et s'enthousiasmer de la peur qu'ils pourraient répandre avec leurs armes, ces gamins ne faisaient rien, en tout cas rien d'intéressant pour Kitaki qui demeurait cachée dans l'ombre d'une allée voisine. Jusqu'à ce qu'un *TCHAK* à peine audible la fasse sursauter. Une flèche venait de se planter à ses pieds, un mot était attaché le long de sa tige via une petite cordelette. Rares étaient les ninjas capable de fournir une signature aussi distinctive que Nanami avec ses flèches, l'arc étant une arme rarement utilisée par les ninjas en raison de son manque de souplesse. Après avoir vérifié si les gamins rebelles avaient entendu quelque chose -ce n'était pas le cas-, Kitaki ramassa la flèche et en extirpa le message qu'elle parcourut rapidement pour s'imprégner de l'essentiel.

Visiblement, les adolescents du Quartier Ouest avaient également trouvé de quoi s'armer et étaient décidés à engager les hostilités avec leurs confrères du Quartier Est. En d'autres termes, cela risquait de tourner, au mieux, à l'incident, au pire, au bain de sang. Fort heureusement, même armés, des gamins restent des gamins pour une kunoichi correctement formée. Ils risquaient davantage de se blesser eux-même que de toucher Kitaki avec leurs joujoux. Pour leur propre sécurité, il fallait les neutraliser au plus vite et les débarrasser de leurs armes. L'éventail de jutsus connus de Kitaki était parfaitement adapté à cette situation.

Profitant de l'effet de surprise, la genin s'élança en un bond sur le coté en réalisant les signes de main nécessaires à l'élaboration de la technique qu'elle allait utiliser. À peine les adolescents eurent-ils braqué leurs regards sur elle qu'un flot poisseux se répandait déjà sous leurs pieds. Ignorant les propriétés de cette substance, le leader des rebelles, Tojiro, qui se distinguait par une coupe de cheveux en brosse hautement improbable, lança l'assaut en s'apprêtant lui même à se jeter sur Kitaki.

Mais la charge qu'il aurait voulu glorieuse se cantonna à une chute pathétique et instantanée dans la matière gluante et extrêmement collante qu'avait déversé Kitaki précédemment. Les jeunes n'étaient plus en mesure de bouger, en particulier Tojiro qui se retrouvait ainsi englué de la tête aux pieds. Kitaki s'avança alors pour récupérer le wakizashi porté par le leader des jeunes rebelles et menaça ces derniers encore sur pieds en tendant l'extrémité de la la lame en leur direction.

- Rendez-vous, et déposez les armes... pendez que vous le pouvez encore.
Leur intima t-elle d'une voix âcre et autoritaire.

Les jeunes échangèrent quelques murmures, et finirent par s'adresser mutuellement un sourire complice, avant de reporter leur attention sur Kitaki.

- Tu peux peut-être nous garder immobiles, mais pas nous reprendre nos lames.
Fit remarquer l'un d'eux en effectuant quelques moulinets grotesques avec son wakizashi.

- Approche donc... si tu veux te faire couper en morceaux !

Kitaki plissa les yeux, incrédule, tandis que les jeunes éclataient de rire. Sa patience étant à bout, elle incanta aussitôt un autre jutsu qui se manifesta sous la forme d'un large serpent aqueux qu'elle dégorgea dans la direction des sales gamins. Sur le coup, les adolescents laissèrent échapper des cris de terreur, pour certains dignes d'une fillette alors que le serpent s'abattait sur eux. Loin de leur infliger une morsure fatale, le serpent se contentait de les traverser avec vigueur pour les déséquilibrer et les faire chuter dans la vase aqueuse qui immobilisait déjà leurs pieds. Tout en emportant avec lui les armes avec lesquelles les gamins auraient pu se blesser. Le serpent aqueux revint disparaître à coté de Kitaki, lâchant sur le coté une tripotée de lames diverses et d'armes de jet conventionnelles. La kunoichi se passa une main sur le visage en voyant le triste spectacle offert par les adolescents qui geignaient en essayant en vain de s'extirper de la mélasse bleutée dans laquelle ils étaient tombés. Seul Tojiro avait l'air de s'être résolu à cette humiliation et restait immobile à fixer Kitaki avec hargne. Son épique campagne pour conquérir le Quartier Ouest s'avérait au final être un véritable fiasco... lui et ses potes n'avaient même pas réussi à atteindre le territoire de leurs rivaux.

S'inspirant des flèches-messages de sa consoeur, Kitaki glissa un message dans l'un de ses serpents aqueux et l'envoya rejoindre les travailleurs du port, pour leur indiquer où se trouvait les armes qu'ils avaient égarés. Leur donnant ainsi le loisir de découvrir les coupables et de choisir eux-même la sanction à leur faire subir. La tâche de Kitaki n'était pas encore terminée, elle devait s'assurer que Nanami était parvenue à retenir les gosses du Quartier Est. Kitaki s'y rendit aussitôt, et y progressa avec prudence, recherchant discrètement sa coéquipière. Elle avait préféré ne pas lui envoyer de serpent car celui-ci n'aurait pas été des plus discrets et aurait pu trahir sa présence si elle essayait de se cacher de ses cibles.

©Naruto Sensou

Faire preuve de prudence et de discrétion ne fut pas nécessaire. Quand Kitaki croisa Nanami un peu plus loin, à l'autre bout d'une rue. Elle s'essuyait la main d'un air satisfait, signe que la blonde avait achevé sa tâche avec succès. Kitaki la rejoignit donc avec un sourire léger. Bien qu'elle n'ait pas douté des compétences de sa consoeur, elle était ravie de la voir en forme. Après tout, elle ne l'appelait pas "soeurette" pour des raisons anodines, elle voyait bien Nanami comme une petite soeur et s'inquiétait facilement pour elle. Nanami voulut s'enquérir sur ce qui s'était passé du coté de Kitaki, celle-ci haussa doucement les épaules en répondant avec un certain détachement.

- Cela n'a pas été bien compliqué. J'ai blessé ces ados dans leur amour propre et leur ai montré combien une arme est inutile quand on ne sait pas s'en servir, ça devrait les calmer pour un petit bout de temps.

Kitaki posa ensuite son regard sur la main encrée de sa consoeur. Elle crut sur le coup qu'elle s'était blessée, peut être en essayant de parer un coup de sabre ou autre et se saisit doucement de la main, une once d'inquiétude dans le regard. Mais à ce contact, elle comprit que ce liquide n'était pas du sang, sa texture et surtout son odeur était bien différente. Kitaki releva alors les yeux et les plongea droit dans l'océan argenté qu'était les iris de Nanami. On pouvait décerner comme une pointe de reproche dans le regard de la basanée.

- Encore ce tour... tu avais déjà fait le coup à l'un de nos camarades de l'académie, c'est assez morbide comme ruse. Cela dit, si tu endors ta victime en même temps, tu peux ficher une sacrée frousse aux personnes l'entourant.

Kitaki laissa échapper un soupire en hochant un peu plus la tête. Ce n'était pas un sujet sur lequel elle aimait plaisanter. Après tout, quoi de plus destructeur que d'assister impuissant au trépas de ses proches ? Elle était bien placée pour savoir ce que cela faisait de voir son entourage s'écrouler. Mais il est vrai qu'en temps que ninja, on ne peut s'encombrer de pareilles considérations envers ses ennemis. Sans compter que dans le cas présent, il n'était pas question de tuer qui que ce soit, mais de faire croire que l'on a tué quelqu'un... une subtile nuance qui a toute son importance dans la portée morale de cette tromperie.

- Tss... qu'est-ce que j'ai à te donner des idées de filoute aussi. Allons plutôt faire un tour, profiter un peu de ce beau Soleil avant qu'il ne nous échappe !

La genin basanée posa une main sur l'épaule de sa consoeur en l'invitant à quitter ce quartier morose. Elle voulait couper court à la conversation et estimait qu'elles n'avaient plus rien à faire ici. Par ailleurs, Kitaki comptait bien profiter du reste de cette belle journée en compagnie de sa vieille amie. Elles flânèrent ainsi dans le village un bon moment, s'octroyant une appréciable pause dans leur train de vie effréné. Comme au bon vieux temps où leurs soucis étaient moindres, et leur existence plus facile. Elles reviendraient à leur obligation de faire un rapport sur leur mission quand leur coeur se sera délesté d'un peu de la pression issue du fardeau des responsabilités. Le stress issu de ce que la plupart des gens appellennt "Le Quotidien".

©Naruto Sensou