Quand les vagues rugissent pour un combat [PV Hatoma]

En ces temps de guerre, rares sont les ninjas qui ne se précipitent pas dans les couloirs en sortant du bureau du Kage. Soucieux, il savent que les missions qu'on leur donne seront d'une importance décisive pour la victoire de l'alliance. Quiconque cherche à protéger son village, sa famille, ne peut se permettre d'agir dans la demi-mesure. Chaque ninja donne son maximum pour sa patrie, tout en tentant de chasser de son esprit une angoisse bien réelle : celle de ne jamais revenir. Pourtant, c'était avec une sérénité totalement hors contexte qu'un charmant blondinet quitta ce matin le Mizukage. Sa mission du jour avait été excessivement simple, si bien qu'un rapide aller à la bibliothèque lui avait suffi à trouver les informations demandées par ses supérieurs. Il fréquentait cet établissement depuis si longtemps que les différentes rangées de livres paraissaient presque lui indiquer où se trouvait le document convoité. Certes, le jeune homme avait dû s'en charger avant même le lever du soleil, mais ceci lui offrait à présent l'occasion de prendre un peu de repos. Les prochaines missions ne seraient très certainement pas choses aisées à accomplir, il faudrait donc se sentir frais et disponible.

Levant machinalement les yeux une fois à l'extérieur, Ryusuke constata avec plaisir que le ciel était dégagé, ce qui se révélait être suffisamment rare au pays de l'eau pour être relevé. La matinée débutait à peine, il avait ainsi tout le loisir de flâner dans les ruelles de Kiri avant de rejoindre son petit coin favori. Du coin de l'oeil, il observa au cours de sa promenade les nombreux commerçants de la rue principale exécuter chacun leur tour les mêmes automatismes. C'était, à dire vrai, très amusant à voir : une cinquantaine de stores remontés à l'unique force des bras, bon nombre de caissons desquels se voyaient retirés produits et aliments en tout genre pour être positionnés méticuleusement sur les étalages. Enfin, le traditionnel geste retournant la pancarte qui signalait dès cette seconde l'ouverture du magasin. Notre cher Kirijin admira en silence tout ce beau monde s'affairer, puis vinrent les premières phrases accrocheuses dont le seul objectif était d'attirer le futur client. A droite comme à gauche, les vendeurs scandaient les avantages de leur marchandise avec entrain. L'agitation qui s'installa en l'espace de quelques minutes poussa le Juunin à abandonner les lieux, après l'achat d'un croissant tout juste sorti du four. Il se dirigea vers son appartement en avalant son petit déjeuner.

La porte s'ouvrit sur un salon spacieux et lumineux qui manquait clairement d'objets décoratifs. Ryusuke n'avait acquis que quelques meubles essentiels et s'en était parfaitement accoutumé. Sans jeter de regard à la vaisselle accumulée ces derniers jours qui l'attendait sagement dans l'évier, il s'introduisit dans sa chambre et déposa délicatement sur sa table de chevet un livre qu'il venait d'emprunter à la bibliothèque. Il avait finalement cédé à la tentation, profitant de sa mission pour obtenir le prêt d'une merveille de la littérature, en exagérant à peine : le troisième et dernier tome rédigé par le grand Jiraya, Tactique de batifolage. Sa plume était sublime, le jeune blond rêvait souvent de pouvoir devenir un écrivain tel que lui. Les quelques travaux qu'il avait jusqu'à présent achevés n'étaient rien comparés à ce chef-d'oeuvre. Dire que l'ermite ne ferait plus paraître le moindre volume en magasin ...
Saisissant quelques vêtements propres, le ninja entra enfin dans la dernière pièce du logis : la salle de bain. Une bonne douche lui ferait le plus grand bien avant d'aller bronzer sur la côte. Sous les jets du pommeau, il repensa aux récents événements auxquels avait dû faire face l'alliance. On racontait que de puissants et valeureux ninjas avaient été ressuscités et contrôlés par le camp adverse. Plus forts grâce à cette technique qu'ils ne l'avaient été de leur vivant, pouvait-on réellement lutter contre eux ? Il laissa là ses interrogations et passa un dernier coup d'eau sur sa chevelure dorée. Pleinement réveillé, il sentit de fines gouttes d'eau cheminer le long de sa nuque alors qu'il s'essuyait brièvement à l'aide d'une serviette. L'air marin finirait de lui sécher corps et cheveux, comme il en avait l'habitude.

Evoluant à nouveau dans les allées bondées du village, il ne tarda pas à quitter la civilisation, traversant quelques espaces verts et forêts pour atteindre la plage. Son sable doux ainsi que l'étendue bleutée de l'océan constituaient tout ce qu'il recherchait. Il put alors se défaire de ses chaussures encombrantes et avoir la satisfaction d'être au contact de chacun de ces petits grains qui ne se dissociaient jamais de ce paysage inoubliable : une eau à perte de vue qui formait, grâce au souffle du vent, de puissantes vagues s'abattant sur le rivage avec violence. Ce bruit était unique, et Ryusuke n'avait jamais su s'il préférait cet océan agité à la mer plus calme que l'on retrouvait de l'autre côté de l'île principale. Quel que soit le temps, quel que soit le comportement de l'eau, il avait l'impression de comprendre ses sentiments. Aujourd'hui, elle l'avertissait d'un danger imminent et lui demandait d'agir avec prudence. La guerre, probablement, ou bien autre chose ? Quittant l'étendue bleue des yeux, il fit lentement un tour sur lui-même. Les arbres semblaient tranquilles, le sable un peu moins. Le Kirijin se mit face à la vaste plage, il était sûr de ce qu'il apercevait à présent : un individu marchait dans sa direction, longeant lui aussi la côte. Qui cela pouvait-il bien être ?

A mesure que l'individu sibyllin progressait en sa direction, le jeune Kirijin perçut une certaine lourdeur dans l'atmosphère. Cette présence nouvelle et mystérieuse appesantissait un environnement jusque-là si serein qu'on aurait pu y oublier le moindre de ses soucis. C'était en vérité la raison principale de la venue du blondinet ici : relaxer une dernière fois son esprit avant d'entrer pleinement dans la guerre. Qui donc dérangeait sa quiétude aujourd'hui ? Le silence se fit l'espace de quelques instants, jusqu'à être rompu avec force par une vague inattendue, venue gronder la personne à l'aura malfaisante. L'océan ressentait l'approche d'un rude combat, l'un de ceux qui marqueraient au fer ce banc de sable.

A présent, Ryusuke pouvait distinguer sans mal les différents traits du visage de celui qui se révélait être lui aussi ninja de Kiri. La situation n'avait au final rien d'anormal : en d'autres circonstances, tous deux auraient pu discuter en confrères face à l'étendue bleue. Leur destin était malheureusement tout autre. Cet homme était roux de cheveux comme de barbe, les yeux bleus, et avait l'habitude manifeste de froncer les sourcils. Il paraissait bien bâti, un tantinet plus grand que notre petit blond, mais devait être plus jeune de quelques années. Son accoutrement se résumait en un ensemble noir du t-shirt aux chaussures. Enfin, sa démarche était lente, un peu lourde, à l'image de celle qu'aurait quelqu'un qui serait resté quelques heures de trop au bar la nuit précédente. Ces nombreux détails montraient avec évidence une certaine négligence de soi et de son apparence, mais il fallait voir plus loin, interpréter ces signes pour creuser sa personnalité.

C'est alors que l'analyse de notre calculateur débuta. Le Juunin appréciait plus que tout observer les autres afin de deviner avec autant d'exactitude que possible ce qu'ils cachaient profondément en eux. Un premier point s'imposa tout naturellement dans son esprit : ce regard dur, brutal, ces traits tirés, ce noir omniprésent, cette allure ... Cet individu était sans nul doute prisonnier d'une colère sans borne, d'un besoin de vengeance tel qu'il était prêt à massacrer quelque obstacle que ce soit sur sa route. Pire : il y avait de fortes chances qu'il ait déjà commis plusieurs meurtres depuis l'événement qui l'a fait basculer. Il avait perdu des êtres qui lui étaient chers, le plus souvent il s'agissait tout simplement de la famille. L'âme de ce ninja l'avait quitté au moment où il s'était vu trahi par ceux à qui il avait accordé sa confiance. Il estimait probablement que sa vie ne se résumait plus qu'à une chose aujourd'hui : leur faire payer leurs sombres actes. Peut-être n'en avait-il pas encore pris conscience, mais cette hargne masquait un sentiment encore plus fort en lui : la tristesse, celle d'un homme en réalité bon. Subsistait-il une maigre chance de lui faire entendre raison, de faire émerger cet aspect de sa personnalité depuis longtemps disparu ?

Le blondinet pouvait également affirmer que son collègue roux était des plus belliqueux. Quelques semblants de cicatrices çà et là venaient le prouver sans mal. Il cherchait des noises à tout le monde, ne faisant peut-être pas même exception des femmes et des enfants. Si les deux Kirijins se lançaient dans une confrontation, Ryusuke savait que son opposant serait sans pitié.
C'était quelqu'un de renfermé, de réservé : il se forçait à extérioriser sa haine pour impressionner ou effrayer ses adversaires, mais n'osait sûrement pas en montrer plus, de peur qu'on le rabaisse. Etait-ce pour autant une personnalité influençable ? Là était la question, il allait falloir vérifier.

Après s'être approché davantage, l'homme entama une série de mudras. De toute évidence, il avait choisi de se lancer corps et âme dans un nouvelle bataille avec un inconnu. Réagissant aussitôt, notre ami composa un unique mudra qui déclenchait une célèbre technique de Kiri : le Camouflage dans la brume. L'individu roux annonça la couleur par ses premiers mots, il ressentait la nécessité de tuer, de montrer qu'il était plus fort. Une légère provocation s'ensuivit, mais le Juunin savait par expérience que son unique but était de déstabiliser l'ennemi en l'énervant ou inversement, en lui faisant prendre peur. Ryusuke n'appartenait à aucune de ces deux catégories, il allait le lui démontrer. Néanmoins, il pourrait être intéressant de simuler, de rentrer dans son petit jeu. La main apposée au sable, son concurrent du jour fit apparaître un chat plus qu'imposant, aux muscles saillants. Il était d'ores et déjà possible d'établir des conjectures sur le style de cet animal, ainsi que sur la préférence de son maître pour les combats à distance. Alors qu'ils discutèrent brièvement, une épaisse brume se forma sur toute la plage. Elle arrivait enfin ... Les trois êtres ici présents ne s'apercevaient plus. Le chat allait évidemment se jeter sur Ryusuke, connaissant sa position, mais avant ça notre jeune ami voulait titiller à son tour les nerfs du ninja. Après tout, c'était de bonne guerre. Une seconde vague frappa la côte, si bien qu'il dut élever la voix pour se faire entendre.

« Allez rouquin, montre-moi que tu n'as pas tué tous ces gens par pure chance ! »

Cette accroche n'avait qu'un rôle psychologique. Il ne pouvait pas même affirmer avec certitude ce qu'il avançait mais ça ferait l'affaire.
Tout se déroula ensuite très vite : le chat avait été comme propulsé sur le Juunin et s'apprêtait à lui asséner un puissant coup de pied rotatif. Une nouvelle inconnue venait pourtant perturber l'équation : notre ami était à présent armé d'un katana. Le coup était vif, il eut tout juste le temps d'interposer la lame afin de le bloquer et se vit repoussé de plusieurs mètres en arrière. De sa main libre, alors qu'il reculait sous le choc, il lança au visage du chat un kunai auquel était attachée une note explosive. Déclenché par un vulgaire mudra, le tout lui explosa à la tête. Ryusuke put se réceptionner à même le sable pour ne pas s'envoler plus loin. Sans éprouver de plaisir à l'idée de blesser une bête, il ne pouvait pour autant lésiner sur les moyens de triompher. Pour la seconde fois, il prit la parole :

« Tu envoies un sous-fifre faire le sale boulot à ta place ? Avoue-le, tu as finalement honte de ressembler à celui qui a tué tes parents ... »

Encore un impact mental. L'évocation de ses proches, de leur plausible meurtrier, allait-elle lui faire quitter sa léthargie ? Il fallait qu'il comprenne qu'il s'était égaré, et qu'il était toujours possible de faire machine arrière.